Les MVZ allemands : avenir ou menace pour la médecine libérale ?

Publié le 05/04/2018
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Crédit photo : DR

Regroupant près de 12 % des médecins exerçant dans le secteur ambulatoire, les « Medizinische Versorgungszentren » (MVZ) sont des petits centres médicaux réunissant au minimum deux praticiens de spécialités différentes, dont le plus souvent au moins un généraliste. Beaucoup de médecins plébiscitent ce mode d’exercice, mais certaines associations de médecins libéraux se montrent réservées sur leurs avantages et redoutent qu’ils ne sonnent le glas de la médecine libérale.

L’Allemagne, compte actuellement près de 2 500 MVZ, avec parmi eux quelques grands centres réunissant jusqu’à 60 médecins, la moyenne tournant plutôt autour d’une dizaine de praticiens. À l’inverse des MSP françaises, les MVZ regroupent uniquement des médecins et leur personnel, sans paramédicaux libéraux. Surtout, ils couvrent toutes les spécialités médicales, et ont une importante activité chirurgicale, mais exclusivement ambulatoire.

Introduits en 2004 par le gouvernement social-démocrate de l’époque, les MVZ sont en fait les héritiers directs des « policliniques publiques » de l’ancienne RDA, dans lesquelles travaillaient alors la plupart des médecins. Longtemps décriés comme un symbole du socialisme, les MVZ ont retrouvé leur actualité avec la diminution du nombre de cabinets médicaux, surtout dans les petites villes et à la campagne, non seulement à l’est, mais aussi à l’ouest. L’évolution « sociologique » des médecins, de moins en moins prêts à passer 60 heures par semaine dans leur cabinet tout en le gérant au quotidien, a stimulé la renaissance de ce concept, et les MVZ continuent de progresser de manière soutenue.

Seuls les médecins ou les hôpitaux peuvent créer et diriger un MVZ, afin d’éviter que des sociétés commerciales ne s’implantent dans ce secteur. À côté des médecins, regroupés en structures de type SEL, les hôpitaux sont nombreux à en ouvrir. Ceci leur permet de renforcer la proximité des soins tout en conservant leur patientèle ambulatoire… qu’ils soigneront un jour sur place si nécessaire. Ainsi par exemple, l’hôpital d’Offenburg, capitale de l’Ortenau, arrondissement situé juste en face de Strasbourg, dispose d’une dizaine de MVZ dans sa zone d’attraction, entre Rhin et Forêt Noire, où exercent des médecins salariés. Mais dans d’autres MVZ, les médecins peuvent être payés à l’acte. Enfin, outre les médecins et les hôpitaux, les centres de dialyses peuvent créer des MVZ, sous forme de centres locaux.

S’ils favorisent les coopérations professionnelles, les MVZ ne sont pas pour autant exempts de toutes critiques. La plupart des unions régionales de médecins conventionnés (KV), dont les larges compétences incluent la négociation et la répartition des honoraires, redoutent que les MVZ ne finissent par « assécher » la médecine libérale. Les installations étant réglementées, chaque nouveau médecin qui part en MVZ signifie un médecin libéral de moins. De plus, comme les médecins des MVZ vieillissent eux aussi, la structure ne répondra, pas à terme, aux problèmes démographiques. Certains libéraux, d’ailleurs, transforment leur cabinet en MVZ lorsqu’ils approchent de la retraite, car la revente est alors plus avantageuse pour eux.

Enfin, certaines KV considèrent que les MVZ, et surtout les regroupements de MVZ, favorisent une « industrialisation » de la médecine et un « travail à la chaîne », peu efficace sur le plan économique. Des arguments que rejette l’association fédérale des MVZ qui, au contraire, met en avant la satisfaction des patients comme des praticiens. Pour Susanne Müller, directrice de cette association, « nous ne sommes pas les concurrents des médecins libéraux, et les deux systèmes cohabiteront toujours, car ils sont complémentaires ». Selon elle, la proportion de médecins exerçant en MVZ pourrait atteindre 20 % dans quelques années, près du double d’aujourd’hui.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du médecin: 9654