Dépistage prénatal non invasif de la trisomie

En attendant un accès universel

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Publié le 12/01/2017
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« Aujourd'hui en France, 50 000 personnes sont atteintes de trisomie et leur espérance de vie tend à rejoindre celle de la population générale », rappelle le Pr Nisand. En absence de diagnostic prénatal, son incidence serait de 1/700 naissances vivantes. L'âge de la première grossesse ne cesse en effet d'augmenter. Mais « actuellement près de 4 femmes sur cinq font le choix du dépistage. Celui-ci identifie les trois quarts des trisomies. Et une fois le diagnostic posé, 96 % des femmes optent pour une interruption médicale de grossesse. Résultat, le taux de naissances de trisomiques est stable, de l'ordre de 1 pour 2000 femmes ».

Dépistage actuel

Le test de dépistage actuel a une sensibilité limitée. Elle est de 85 %. « Sur 100 femmes porteuses 15 ne sont pas dépistées ». Et sa spécificité est relativement faible. La valeur prédictive positive est autour de 3 %. « Autrement dit une majorité d'amniocentèses s'avèrent négatives avec à la clé un risque de fausses couches - de l'ordre de 0,5 à 1 %- non négligeables ». Soit pour 40 000 amniocentèses générées chaque année par ce dépistage, environ 200 à 400 fausses couches.

Dépistage non invasif

Le dépistage non invasif repose sur l'analyse dans le sang maternel circulant des petites quantités d'ADN fœtal libre, présentes dès 5e semaine d'aménorrhée et le taux de chromosomes 21 détecté. Si le test est positif, une amniocentèse reste indispensable pour confirmer le diagnostic. Mais à la différence des marqueurs, la sensibilité de ce test non invasif est proche de 100 % (99,3 %). On passe à côté de moins d'une grossesse trisomique sur cent. Et sa spécificité est bien meilleure. Sa valeur prédictive positive est de 66 %. « Par comparaison au dépistage actuel, cette technique permet de diminuer de 90 % le nombre d'amniocentèses et donc de fausses couches associées. Ce seul argument de la diminution des décès fœtaux est en soi une indication au dépistage non invasif » pour Israël Nisand.

Problématique d'accès et propositions du Collège

« Le test non invasif fait appel au séquençage à haut débit, essentiellement utilisé en recherche. Aujourd'hui seulement deux sont disponibles quand il en faudrait une dizaine au niveau national. Dans l'immédiat impossible donc de proposer ce dépistage à toutes les femmes », note le Pr Nisand. C'est pourquoi, dans une phase intermédiaire, le Collège propose un dépistage associant dépistage classique et non invasif.

« Le Collège propose de continuer le dépistage classique en relevant le seuil de risque de 1/250 à 1/1 000. Et d'y associer, dès un risque supérieur à 1/1000, un test non invasif en complément ». Cette solution réduirait déjà considérablement les amniocentèses inutiles et les faux positifs. « Le test non invasif devrait aussi être proposé d'emblée dans quelques situations précises notamment lors d'antécédent de grossesse trisomique, quand les marqueurs sériques sont peu fiables (grossesse gémellaire, valeurs hors bornes), et aux femmes de plus de 38 ans n'ayant pas bénéficié du dépistage par marqueurs sériques ».

« Seul bémol. Le test non invasif peut permettre de connaître tout le génome de chaque fœtus. Il faudra peut-être limiter la puissance d'investigation à la recherche de la trisomie 21 et impérativement contrôler le stockage et l'usage éventuels de ces données ».

D'après une communication du Pr Israël Nisand (CHU Strasbourg) en conférence de presse

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin: 9546