C’était le 8 février 2013 à Grenoble. Ce jour-là, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, avait annoncé sa volonté d’engager « sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé ». Avec la volonté d’améliorer la coordination entre les praticiens et les établissements en organisant « une véritable continuité entre la prévention, les soins et l’accompagnement autour de la personne et de ses besoins ».
Le chef du gouvernement avait lancé un plaidoyer en faveur d’une « médecine de parcours ». « Organiser le parcours de soins, cela signifie que ce n’est pas au patient de coordonner lui-même la série d’actes ou d’interventions dont il a besoin. Cela signifie que les professionnels de premiers recours articulent leurs interventions et qu’ils se communiquent des informations nécessaires à la continuité des soins. Cela signifie que, quand le patient doit être hospitalisé, on privilégie les entrées programmées dans les services hospitaliers et non pas le passage systématique par les urgences et que les informations sur son état, ses traitements l’accompagnent à son entrée et à sa sortie de l’hôpital », avait détaillé Jean-Marc Ayrault.
Près de quatre ans après, que reste-il de cette réforme de la « médecine de parcours » ? « Pas grand-chose, il faut bien le dire, affirme le docteur Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Ce discours de Grenoble comportait des choses intéressantes sur le fonds, notamment le fait de dire que l’hôpital devait cesser de faire ce qui peut être fait en ville. Mais aujourd’hui, on voit bien que rien n’a vraiment changé », ajoute-il, convaincu que la nouvelle convention, dont son syndicat est pourtant signataire, ne « changera rien au parcours de soins ».
Des mesures poussant à la coordination
La convention prévoit pourtant diverses mesures pour mieux coordonner le parcours en ville en évitant « les hospitalisations inutiles ». Le texte souhaite notamment faciliter une prise en charge rapide, dans les 48 heures, d’un patient adressé à un médecin correspondant par le médecin traitant. Si le patient est reçu dans ce délai, le spécialiste correspondant pourra toucher une majoration de 15 euros et le médecin traitant 5 euros. « Le but est d’éviter qu’un patient, en situation d’urgence relative, ne finisse par aller aux urgences hospitalières », souligne le Dr Gilles Urbejtel, trésorier de MG-France.
Mais cette mesure laisse dubitatif le Dr Hamon. « Les majorations prévues dans la convention ne sont pas suffisantes pour véritablement inciter les médecins correspondants à bouleverser leurs plannings pour recevoir des patients très rapidement. On avait proposé que, dans ce cas, les médecins puissent coter deux consultations mais cela n’a pas été accepté », déplore le président de la FMF.
Chargée de mission au Collectif inter-associatif pour la santé (CISS), Magali Léo n’est pas non plus convaincue par cette majoration. « Si les délais de rendez-vous sont longs chez les spécialistes, c’est d’abord parce qu’ils ne sont pas assez nombreux ou mal répartis sur le territoire. Et c’est un obstacle à la mise en place d’une médecine de parcours. Pour que cela fonctionne, il faut des professionnels installés de manière harmonieuse partout en France. Et pour l’instant, il faut reconnaître que les aides à l’installation, prévues dans les précédentes conventions, n’ont pas vraiment donné de résultats très probants », estime cette représentante des usagers.
Des politiques trop frileux ?
Président de la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS), le Dr Pierre de Haas juge lui aussi que cette « médecine de parcours » promise par Jean-Marc Ayrault est loin d’être mise en place de manière optimale. « Les responsables politiques restent encore trop frileux sur ce point », regrette-t-il. « Cette convention est plutôt favorable aux médecins et va leur permettre d’augmenter leurs revenus. Mais elle ne va pas vraiment permettre de mieux coordonner le parcours des patients. Pour cela, il faudrait moins de paiement à l’acte et plus de rémunération au forfait. »
Selon le Dr de Haas, il faudrait aussi une meilleure organisation des soins primaires. « Aujourd’hui, par exemple, seulement 10 % des médecins sont capables de faire de la production de données à partir de leur système d’information. Et moins de 1 % sont capables d’envoyer un courrier ou un SMS à des patients pour leur rappeler une date de vaccin ou d’examen. Or, un parcours de soins bien organisé, cela passe aussi par là. »
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