« LE CNS A SOUHAITÉ rendre public cet avis aujourd’hui, au moment où l’Agence américaine des médicaments (Food and Drug Administration ou FDA) s’apprête, suite aux recommandations d’un comité d’experts rendues publiques le 10 mai 2012 à délivrer une première autorisation de mise sur le marché pour l’usage préventif d’un traitement antirétroviral (Truvada produit par Gilead Sciences) ». L’avis du CNS était attendu depuis la saisine par la Direction générale de la santé le 4 mars 2011 sur l’intérêt de promouvoir la stratégie PrEP, nouvel outil dans la prévention de l’infection à VIH, objet de nombreuses recherches scientifiques mais qui suscitent aussi des controverses. Conformément à sa mission « d’éclairer la décision publique », le CNS, dans son avis, dresse un état des lieux des connaissances et débats sur le sujet et formule des recommandations.
Tout comme les experts américains, le CNS souligne le fort consensus qui existe aujourd’hui autour de « l’impérieuse nécessité, trente ans après l’identification des premiers cas de sida, de réduire drastiquement le nombre de nouvelles contaminations » pour stabiliser puis faire régresser une pandémie « dont l’expansion, au Nord comme au Sud, n’a pas pu être contenue par les efforts de prévention menés jusqu’à présent ». Un tel enjeu justifie « qu’aucune piste nouvelle ne soit négligée », insiste le conseil.
TaSP et PrEP.
Depuis les années 2000, il est démontré que les traitements antirétroviraux utilisés à des fins thérapeutiques chez les personnes infectées par le VIH, en réduisant la quantité de virus présents dans le sang à un niveau très faible, diminuent très fortement le risque que la personne transmette le virus par voix sexuelle. En tant qu’outil individuel de prévention, un traitement précoce permet de réduire de 96 % le risque de transmission du VIH entre partenaires hétérosexuels sérodifférents. Cette utilisation des antirétroviraux qui vise à traiter les personnes infectées pour empêcher la transmission secondaire du virus, connue sous l’acronyme TaSP (Treatment as prevention) diffère de la PrEP qui s’adresse à des personnes non infectées. Plusieurs modalités sont actuellement à l’étude dont la PrEP orale continue qui consiste en une prise régulière d’un traitement ARV. Quand une exposition au risque survient, elle est alors encadrée par la prise d’ARV avant et après la prise de risque. La preuve de l’intérêt du concept de PrEP (prophylaxie préexposition) comme outil additionnel de prévention a été établie en particulier l’étude iPrEx, réalisée auprès de 2 499 séronégatifs, homosexuels ou transgenres qui avaient montré qu’une dose quotidienne de Truvada réduisait de 44 % le risque de transmission du VIH. La Stratégie PrEP orale discontinue « à la demande » est en cours d’évaluation en France grâce à l’essai IPERGAY/ANRS lancé en 2012.
« Si l’administration américaine s’apprête à autoriser cet usage préventif des ARV, il n’existe pas, à ce stade, de recommandations validées en Europe », précise le CNS. Toutefois le conseil a souhaité, sous réserve des résultats des recherches en cours, dès à présent envisager dans quelle mesure et à quelles conditions les PrEP « seraient susceptibles d’enrichir, dans un avenir relativement proche, la palette des moyens de protection existants ».
Les résultats des essais disponibles sont en faveur de l’efficacité de la PrEP qui « permet de réduire significativement le risque d’acquisition du VIH chez les personnes fortement exposées au risque par rapport
à la seule promotion des moyens classiques » reconnaît le CNS. Toutefois, précise l’avis, la PrEP est un « outil supplémentaire de réduction des risques permettant de compléter la palette des outils de prévention et non de se substituer aux autres outils ».
Dans ses recommandations, le CNS indique que l’offre de PrEP devra s’inscrire dans une approche globale articulant prévention, dépistage et traitement, afin d’intégrer l’outil PrEP dans la palette des moyens de prévention. Cela nécessitera de reconstruire le discours de prévention en fonction des situations et des publics concernés. Le CNS souhaite par ailleurs que l’antirétroviral utilisé dans une stratégie PrEP soit « matérialisé par une présentation du médicament sous un nom commercial distinct et accompagné d’une notice spécifique à son indication préventive ». Pour le conseil, « un packaging incluant des préservatifs apparaît souhaitable ».
Pas un outil universel.
La PrEP n’est pas « un outil de prévention universel à destination de la population générale », souligne-t-il. Son intérêt concerne les personnes les plus fortement exposées au risque d’infection par le VIH « en raison de leur appartenance à un groupe de population particulièrement touché par l’épidémie et/ou de pratiques sexuelles à risque ». Dans une stratégie combinée, elle « peut apporter une sécurité supplémentaire aux personnes en situation de forte exposition au risque, face à des accidents de prévention conventionnelle », poursuit le CNS. Elle put aider aussi les personnes qui désirent desserrer, de façon assumée, les contraintes de prévention conventionnelle dans certaines circonstances ou qui sont dans l’impossibilité de l’exiger de leur partenaire, en particulier dans le cas de certaines femmes. « La PrEP est alors un moyen de réduire le risque, préférable à l’absence de toute protection », relève le CNS. L’avis n’élude pas la critique d’un possible relâchement des pratiques de prévention provoquée par la PrEP. « Aucunes données ne suggèrent que l’introduction d’un nouvel outil de réduction des risques puisse, en tant que telle, entraîner un effet contre-productif massif sur la prévention », précise-t-il.
La contrainte économique.
Le CNS indique exige par ailleurs une prescription médicale initiale, puis lors des renouvellements, ainsi qu’un suivi médical rapproché. « La PreP est un outil exigeant et contraignant pour l’utilisateur, qui suppose des contacts répétés avec le dispositif de prévention et de soins », poursuit le CNS. Elle nécessite donc un fort investissement dans la prévention. Pour donner aux utilisateurs les moyens de faire une utilisation maîtrisée et raisonnée de l’outil, « l’offre de PrEP doit impérativement s’organiser dans un cadre garantissant une approche globale de prévention et un accompagnement adapté », insiste le CNS qui souhaite le développement de structures de type « centre de santé sexuelle ».
La mise en œuvre des PrEP « se heurte à une contrainte économique d’une ampleur inédite en prévention », prévient le CNS. Développer une telle offre qui vise des personnes non infectées pose « en termes d’allocation des ressources, une question à la fois éthique et de choix stratégique », note le CNS. À l’échelle nationale comme à l’échelle internationale. Le CNS rappelle que 8 millions de personnes vivant avec le VIH et éligible au traitement n’y ont pas accès. Au niveau national, la stratégie s’adresse à des personnes souvent vulnérables et une prise en charge par l’assurance-maladie semble « irréaliste » dans les conditions actuelles.
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