MOINS D’UN AN après sa mise en place (première réunion constitutive le 2 juillet 2009), le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) organisait un premier séminaire sur l’évaluation de la mise en œuvre du principe de précaution. Il s’agit là « du premier sujet de son premier programme de travail », ont souligné Alain Gest, député UMP de la Somme, et Philippe Tourtelier, député PS d’Ille-et-Vilaine, co-rapporteurs du rapport préparatoire à la réunion. En introduisant en mars 2005 la charte de l’environnement dans la Constitution, la France « est le seul pays au monde à avoir inscrit le principe de précaution au plus haut niveau de la hiérarchie des normes », a souligné Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale et du CEC.
L’environnement d’abord.
Dès l’origine, le principe a suscité débats et polémiques. « Plus de 200 parlementaires avaient décidé de ne pas participer au vote ou de s’abstenir », souligne Alain Gest. Toutefois, font remarquer les rapporteurs, même si l’article 5 consacrant le principe de précaution, n’avait pas été adopté, le problème se poserait de la même manière aux acteurs, compte tenu de la contrainte internationale. Il est né en Allemagne, son origine se trouverait dans l’ouvrage publié en 1979 par Hans Jonas, « le Principe de responsabilité », selon lequel la puissance technique est telle désormais que si l’homme n’agit pas avec prudence, il risque de détruire la nature, au détriment des générations futures. L’idée d’un principe de précaution pour l’environnement a progressivement diffusé dans le droit international pour être adopté dans la déclaration de Rio. La Communauté européenne a été, de ce point de vue, plus loin que le droit international, puisqu’elle a érigé en 1993, par le traité de Maastricht, le principe de précaution en norme juridique générale et opposable applicable à toutes les politiques publiques ayant pour objectifs l’environnement, mais aussi la santé et la protection des consommateurs.
En dépit de l’évolution communautaire, les parlementaires français qui ont adossé la Charte de l’environnement à la Constitution de 1958 ont voulu exclure le domaine de la santé et nulle part le texte ne mentionne les problèmes sanitaires. « D’un simple principe de gestion environnemental, ce principe s’est imposé progressivement comme un principe cardinal de gestion des risques, réclamé par l’opinion publique, invoqué par les autorités publiques et les médias sans qu’il ne soit tenu compte de sa définition juridique précise », regrette Bernard Accoyer. De fait, l’actualité y fait sans cesse référence, qu’il s’agisse des inondations, des conséquences du nuage de cendres résultant de l’éruption du volcan islandais sur le trafic aérien ou de la vaccination contre le virus H1N1. « Ces cas relèvent de la prévention, non du principe de précaution », relèvent les corapporteurs. Il s’agit bien de la gestion d’un risque connu et avéré et non d’un risque potentiel, incertain.
Les « vrais débats portent sur la santé », soulignent-ils encore. Ils citent l’exemple de la vaccination H1N1 : « Depuis qu’elle existe, la vaccination est à la fois une mesure préventive générale et un cas d’application du principe de précaution au plan individuel », note Philippe Tourtelier. « Cette fois, certains ont refusé, pour des considérations personnelles, de se faire vacciner, si bien que le principe de précaution individuel est entré en conflit avec le principe de prévention collectif », poursuit-il.
Si la question de l’application du principe de précaution se pose de moins en moins à propos des dommages faits à l’environnement, elle est, en revanche, de plus en plus évoquée pour les effets sanitaires des nanomatériaux, des biotechnologies, des ondes électromagnétiques ou des perturbateurs endocriniens.
Des risques mais aussi des avantages.
Le principe de précaution « mal compris, mal interprété » mais aussi mal « appliqué », est considéré comme « un instrument de protection absolue », met en garde Bernard Accoyer. Il regrette que l’évaluation des avantages n’ait pas été prévue par le texte, au même titre que celui des risques. Le danger est que tout progrès scientifique, toute innovation ne soit plus possible.
Pour leur rapport, Philippe Tourtelier et Alain Gest ont procédé à de multiples auditions de juristes, de scientifiques, de philosophes, de représentants de la société civile, d’organismes publics ou d’entreprises Dans l’ensemble, les chercheurs font le constat du peu d’impact sur le volume et la nature de leurs recherches. Le principe de précaution les aurait même, dans certains cas, conduit à s’interroger sur le sens et la portée de leurs activités. Et les entreprises l’ont intégré comme un élément du contexte dans lequel elles évoluent, même si Les Entreprises du médicament (LEEM) considèrent que la montée du principe de précaution a accru « l’importance, la durée et les coûts des phases de développement des médicaments ». Tout comme les chercheurs, les industriels expriment leurs inquiétudes quant à l’usage inapproprié et excessif du principe par les autorités publiques. Une exception de taille, cependant, les biotechnologies et les entreprises de biotechnologie. « La recherche en biotechnologie a presque disparu en France », souligne le rapport. Interrogée, l’Agence nationale de la recherche explique qu’en 2005 et 2006, 15 et 23 projets de recherche concernant les OGM lui avaient été soumis, aucun en 2008. « Le programme OGM a d’ailleurs finalement été clos en 2008, en l’absence de propositions de véritables projets de recherche sur la transgenèse », précise-t-il. Bernard Accoyer résume la situation : « La France a été rayée de la carte dans le domaine des biotechnologies, alors que c’est un des secteurs les plus essentiels pour l’avenir de l’humanité, que ce soit en pharmacologie pour les médicaments de demain que ce soit ou dans le domaine alimentaire ».
Vers une résolution ou une loi.
En conclusion du séminaire, Alain Gest note que « personne, lors des auditions ou pendant le séminaire n’avait demandé l’abrogation du principe de précaution ». Toutefois, une clarification semble nécessaire, en particulier pour préciser son application dans le domaine sanitaire. Le député évoque la possibilité d’une résolution ou encore celle d’une loi. Le choix n’est pas tranché, mais il reconnaît que l’explication et la pédagogie sont nécessaires pour « que la population s’approprie le principe de précaution mais avec une vision plus proche de celle qu’a souhaitée le législateur ». Enfin, Philippe Tourtelier note que la place de la science a évolué que l’expertise scientifique ne suffit plus, l’expertise éthique, philosophique et morale est désormais requise ; le citoyen doit s’approprier ces deux types d’expertise. La future Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), fusion de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), qui doit voir le jour le 1er juillet prochain, pourrait jouer ce rôle : « La future agence doit être au cœur des tensions entre science et société pour permettre les conditions d’un vrai débat ».
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