Gouvernance, financement, médecins

Six partis dans la bataille électorale dessinent leur hôpital pour 2017

Publié le 14/02/2012
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Crédit photo : S TOUBON

• Dr Jean-Marie Le Guen, PS : « nous stoppons la convergence »

« L’hôpital a été victime d’un ostracisme puissant, il a subi des charges idéologiques : la convergence public privé, la tarification à l’activité.... Il y a eu la cathédrale du volet hôpital de la loi HPST. Le président de la République lui-même a parlé d’hôpital entreprise. C’est lui qui a dit qu’il fallait enfin un patron à l’hôpital. On a déstructuré l’hôpital. Notre programme ? Nous stoppons la convergence, nous faisons évoluer la T2A pour aller vers d’autres formes de financement, nous lançons un nouveau pacte social à l’hôpital. Il faut reconnaître le travail des hospitaliers, et refaire de l’hôpital un pilier de la République. Notre projet ne dit pas que demain tout sera facile, que l’argent va couler dans les services hospitaliers. Nous savons très bien que la situation financière de la France ne permettra pas de répondre à toutes les attentes qui sont légitimes. Vous n’avez pas entendu François Hollande tenir ce discours. Simplement, nous voulons que le travail des hospitaliers soit respecté. Nous ferons évoluer l’hôpital tous ensemble, et pas simplement avec quelques-uns qui prétendent avoir la lumière à la place des autres ».

Pr Philippe Juvin, UMP : « conscience aiguë qu’il faut dépenser correctement les euros confiés »

« Jamais la droite parlementaire ne dit que l’hôpital doit faire des bénéfices. Le système doit être efficace et à l’équilibre. Qu’est-ce que j’entends ? Que nous avons détricoté, tué l’hôpital public. Or nous avons fait Hôpital 2007, le LMD pour les infirmières. Nous avons organisé le paiement des RTT et des plages additionnelles il y a quelques jours. Nous pensons que l’hôpital souffre d’un cloisonnement excessif. La loi HPST a voulu réorganiser le parcours du patient. Cette loi est imparfaite, nous avons fait des erreurs. Mais la philosophie générale, c’est la déconcentration du système. Nous avons créé les ARS, et souhaité un mode de gouvernance pour remédier à la fragmentation du système. Pour qu’on ne dise plus « mes panseuses, mes lits ». La loi HPST a cassé la notion d’unité de soins, il faut y revenir. Tout le monde dit que la loi HPST, c’est le diable, mais en fait tous les candidats la gardent. La T2A a des inconvénients et des avantages, le système est imparfait. On doit accueillir tout le monde, avec une conscience aiguë qu’il faut correctement dépenser les euros confiés. Un ONDAM à 2,5 %, ce n’est pas ce que j’appelle du rationnement ».

• Jean-Marie Vanlerenberghe, MODEM : « régler le problème de l’engorgement des urgences »

« La tarification à l’activité n’est pas satisfaisante, mais y a-t-il un meilleur système ? Au Sénat nous y avons réfléchi, et nous n’avons pas encore trouvé la pierre philosophale. On s’est bien battu, lors du débat sur la loi HPST, pour redonner plus de pouvoir aux médecins. On a rétabli, au moins numériquement, un certain équilibre au sein du directoire, où siège une majorité de médecins. Le pouvoir est-il entre les mains du directeur ? Moi je dis que le pouvoir a toujours été entre les mains du ministre. La gouvernance, c’est un grand problème. Je ne pense pas qu’il faille un grand patron qui décide de tout. Il est urgent de ne pas trop toucher à la loi HPST même s’il y a des réglages et des ajustements à faire. Il faut que la loi puisse vivre, s’appliquer. Pour le moment, on est encore dans les balbutiements. Les communautés hospitalières de territoire sont en cours de création. Il faut stabiliser le système ; réguler l’implantation [des médecins] aussi bien à l’hôpital que dans l’ensemble des banlieues et le secteur rural ; rapprocher les hôpitaux et les CHU ; associer les médecins généralistes avec l’hôpital ; régler le problème de l’engorgement des urgences ».

• Dr Jean-Luc Véret, Europe écologie Les Verts : « l’hôpital entreprise est un non-sens »

« L’hôpital est en crise, le personnel est en souffrance, la T2A n’est pas adaptée aux missions de service public. La loi HPST a déséquilibré le pouvoir. L’hôpital entreprise est un non-sens. L’hôpital n’aura jamais vocation à faire du bénéfice. Une gestion rigoureuse, oui, mais une gestion comme le privé, cela n’a pas de sens. L’attribution des internes aux cliniques privées me semble extrêmement délétère : après avoir connu les habitudes de confort matériel et technique, il leur sera difficile de revenir au service public et à la médecine générale. Il faut coordonner les soins entre le premier recours et l’hôpital ; organiser le système autour d’objectifs de santé publique ; établir un moratoire sur la T2A ; réhabiliter les missions d’intérêt général ; revoir la loi HPST ; introduire un financement mixte fonction de l’activité et des missions de service public ; décloisonner pour favoriser l’hospitalisation à domicile. Notre objectif : un système sans rationnement basé sur une gouvernance démocratisée ».

• Dr Jacqueline Fraysse, Front de gauche : « il faut une véritable démocratie sanitaire »

« Deux lois ont particulièrement ébranlé l’hôpital : Hôpital 2007 et HPST, le bras armé de l’État pour couper les budgets. Être rentable, ce n’est pas la vocation des hôpitaux. Il faut revenir sur la tarification à l’activité qui ne peut couvrir les dépenses, d’autant que les tarifs diminuent quand on augmente l’activité. 90 % des hôpitaux sont en déficit : ce n’est pas le résultat du hasard mais de choix délibérés. On utilise ce déficit pour justifier les réductions de personnel et de lits. Ce massacre de l’hôpital public avantage le privé. Il faut revenir sur la loi HPST (...) sans gâcher l’argent public. Il faut privilégier le dialogue collectif, et pas la toute puissance d’un directeur qui est nommé et remercié. Il faut une véritable démocratie sanitaire. On diminue sciemment les recettes de la Sécu, on fait des chèques de 30 millions à Madame Bettencourt, et après on dit : « Vous êtes en déficit, vous avez une dette, vous empruntez ». Au passage on engraisse un petit coup les banques. On ferme des services, et au bout du bout ça passe au privé. Voilà la logique à l’œuvre à l’échelle de l’État ».

• Dr Joëlle Melin, Front national : « fermeture quasi totale de la filière des médecins à diplôme étranger »

« La pénurie médicale, préfabriquée, volontaire, a créé une discrimination à l’égard des jeunes Français. On a substitué une filière artificielle de médecins qui ont leurs qualités, nous n’en doutons pas, mais dont le diplôme n’a pas l’excellence du diplôme français. Nous levons temporairement pour sept ans le numerus clausus avec, parallèlement, fermeture quasi totale de la filière des médecins à diplôme étranger. Pour nous, il n’y a pas de limitation du temps de travail. Au-delà de la 36e heure, c’est du temps de travail supplémentaire. La gouvernance [des hôpitaux] doit être mixte. Hors de question de passer sous la coupe du corps administratif. Le service public n’échappera pas à la mutation de notre société, tout doit être envisagé. Nous garderons la spécificité du secteur privé, mais nous n’acceptons absolument pas l’arrivée des fonds de pension dans le secteur hospitalier. Un hôpital de proximité, même non rentable, doit être gardé pour peu qu’il limite les déserts médicaux. Nous ne voyons pas la loi HPST d’un bon œil ; c’est un maillon dans le cadre de la future marchandisation du système de santé. Il va falloir revoir complètement le système de financement des hôpitaux, reprendre en main la Sécurité sociale, et regarder du côté des exonérations injustifiées. Sur un exercice de 18 mois, il est possible de récupérer 50 milliards d’euros tout de suite ».

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9083