TOUTES les associations le disent : l’ONIAM créé par la loi relative aux droits des patients de 2002 est une alternative essentielle aux tribunaux réputés pour leur lourdeur. Plus rapide, facile d’accès, gratuit, la procédure d’indemnisation via les CRCI (indépendantes de l’ONIAM à l’exception de leur fonctionnement matériel) permet aux victimes d’accidents médicaux d’obtenir une réparation financière grâce à la solidarité nationale. « C’est un outil de démocratie sanitaire », estime Gérard Raymond, le président de l’association française des diabétiques (AFD). Mais cette réputation dorée commencerait à s’effriter. « Les signaux passent au rouge ! » dénonce dans un communiqué commun une petite dizaine d’associations de victimes.
L’inquiétude porte d’abord sur les délais qui s’étendent. « Des victimes du Mediator commencent à désespérer : nous avons constitué 2 500 dossiers auprès des CRCI et je n’ai jusqu’à présent pas entendu d’indemnisation », s’inquiète Gérard Raymond. « Dans la CRCI de Paris, où je siège, il faut attendre plus d’un an entre l’expertise de la personne et son passage en commission, ce n’est plus acceptable sans compter le dépôt du dossier et la désignation de l’expert en amont et l’indemnisation en aval », explique Marie-Annick Lambert, secrétaire générale du Collectif interassociatif sur la santé (CISS). « Il y a un effet boule de neige, les dossiers s’entassent et on n’en vient pas à bout, nous avons quatorze mois de retard », confirme Marie-Solange Julia, présidente des Associations d’aide aux victimes d’accidents médicaux (AVIAM), qui siège également à Paris. « On se rapproche des délais des tribunaux », gronde à son tour Claude Rambaud, présidente du Lien.
Délais d’attente.
Érik Rance, directeur de l’ONIAM, le reconnaît : en 2006, le délai d’attente des avis des commissions était de 10 mois, en 2011, de 11,8 mois. En cause, à Paris, le nombre d’établissements sanitaires et le bassin de population, dans le pôle Ouest, la présence d’une seule juriste (néanmoins épaulée par une assistante). Partout, « des délais incompressibles car il faut communiquer les expertises à toutes les parties et une demande accrue », explique de son côté Érik Rance. Le nombre d’avis rendus par les CRCI depuis 2006, a progressé de 29 % (pour atteindre 1 194 avis en 2011), tandis que le nombre de dossiers soumis a explosé, passant de 2 670 en 2006 à plus de 4 000 aujourd’hui.
Or les moyens n’ont pas totalement suivi. L’ONIAM affiche pour l’année 2012 un budget de 120 millions d’euros, en légère érosion, tandis que les missions se multiplient (vaccins H1N1, contaminations par le VHC, Benfluorex...). « Nous avons reçu une enveloppe de 5 millions d’euros et créé 15 nouveaux emplois pour instruire spécifiquement les dossiers des victimes du Mediator », tente de rassurer Érik Rance. Mais le problème semble davantage structurel. Les membres des CRCI, dépourvues de moyens financiers, siègent près d’une fois par semaine. « On va peut-être siéger le matin pour éponger les dossiers », avance Marie-Annick Lambert. Mais « on ne peut pas raisonnablement pas demander plus », souligne M. Rance.
Collégialité battue en brèche.
Autre sujet de courroux de la part des associations de victimes, la collégialité des expertises fait parfois défaut, alors qu’elle est la règle. L’expertise doit en effet être conduite par un expert médecin, surtout dans les cas complexes, et par un expert en réparation corporelle pour évaluer les préjudices concrets que subit la victime et les traduire en réparation financière. Mais le choix et le nombre des experts sont laissés à l’appréciation des présidents de CRCI, qui sont des magistrats nommés par le ministère de la Justice. « Or dans plusieurs CRCI, la règle devient un seul expert, ce qui n’est pas forcément plus rapide, car lorsque l’expertise nous semble incomplète, nous en demandons d’autre », remarque Marie-Annick Lambert. Tout dépend donc des CRCI dont les pratiques divergent. « L’absence d’harmonisation entre CRCI pose problème, et les magistrats, de par leur culture d’indépendance, ont tous des pratiques différentes », souligne la directrice juridique de l’association des paralysés de France, Linda Aouar. « Nous ne sommes pas une autorité prescriptive, mais nous travaillons avec les présidents de CRCI pour essayer d’échanger les bonnes pratiques », répond Érik Rance, conscient de l’hétérogénéité qui règne actuellement.
Le principe du contradictoire semble aussi être égratigné lors de certains examens, où les victimes se retrouvent parfois seules devant avocats, médecins, et assureurs. « Il faudrait qu’elles s’y rendent avec quelqu’un de qualifié sinon le déséquilibre des forces est trop important » préconise Linda Aouar. D’autant plus que les victimes sont souvent peu armées devant les CRCI et parfois, n’ont pas même conscience de leurs besoins en terme d’aide lorsqu’ils viennent de subir un traumatisme ou une mutilation.
Les pesanteurs et le manque de moyen dont souffre l’ONIAM, qui indemnise les aléas médicaux ou en cas de silence ou de refus, se substitue aux assureurs, se traduisent-ils par une diminution des réparations pour les victimes ? Difficile à dire. Le directeur de l’ONIAM assure que le montant moyen d’indemnisation a baissé de 98 700 euros en 2008 à 79 000 euros en 2010. Parmi les raisons invoquées, la montée en charge des prestations de compensation versées par les conseils généraux que l’ONIAM déduit. Les associations se battent surtout sur le front des heures de la tierce personne, dont le barème varie d’un département à un autre. « C’est un sujet de fond » reconnaît M. Rance.
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