« Ambitieuse et originale » : voilà les mérites que reconnaît l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (ANSES) à l’étude sur le maïs OGM NK603 et le pesticide Round up. La publication de Gilles-Éric Séralini (le 19 septembre, dans « Food and Chemical Toxicology ») « aborde un sujet jusqu’ici peu étudié : celui des effets à long terme des OGM associés aux préparations phytopharmaceutiques ». L’agence n’a pu identifier que deux autres études portant sur la vie entière des animaux (l’étude de Malatesta et al. et celle de Sakamato et al.).
Pour autant, Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES, estime que « la faiblesse centrale » de l’étude réside dans le fait que les conclusions avancées par les auteurs sont « insuffisamment soutenues » par les données de cette publication. Celles-ci ne permettent pas « d’établir scientifiquement un lien de cause à effet » entre la consommation du maïs OGM et/ou de pesticide et les pathologies constatées, ni d’étayer les conclusions et les mécanismes d’action avancés par les auteurs.
Statut quo scientifique
Par conséquent, à la question de savoir si l’étude Séralini et al. remet en cause les conclusions des évaluations précédentes sur cet OGM (tolérant au glyphosate) ou sur cet herbicide, l’ANSES répond par la négative. Les résultats « ne sont pas significatifs », c’est-à-dire qu’ils dépassent les 5 % d’incertitude attribués à tout travail scientifique, précise Jean-Pierre Cravedi, toxicologue à l’INRA et président du groupe d’expertise collective d’urgence (GECU) réuni par l’ANSES.
Pendant quatre semaines, le GECU (composé de 10 membres dont le président) a analysé l’étude de Séralini en auditionnant notamment plusieurs de ses co-auteurs, dont le Pr Séralini. La société Monsanto a été sollicitée mais cette dernière a préféré participer par une contribution écrite, « compte tenu des délais ». François Veillerette, président de l’association « Générations futures » a également été entendu « afin d’apporter l’éclairage de son association sur les modalités d’évaluation des risques sanitaires des OGM et des produits phytopharmaceutiques ».
Pour un changement de réglementation européenne
Car l’analyse de l’ANSES devait aussi porter sur la pertinence de la réglementation européenne en vigueur en matière d’évaluation des risques sanitaires. Et sur ce point, il est vrai que l’étude de Séralini « rouvre la question des effets potentiels à long terme des OGM et associés au produit phytosanitaires, une question assez peu documentée », admet Marc Mortureux en soulignant que l’Agence avait déjà produit un avis à ce sujet en 2011 en proposant « une méthodologie d’analyse des données offrant un haut niveau d’exigence ». Sur cette base, un projet de règlement européen, en cours de finalisation et soumis aux États membres au printemps dernier, impose la conduite de tests de toxicité sub-chronique à 90 jours. S’agissant des pesticides, d’autres évolutions sont en cours dans les référentiels d’évaluation et ont pour vocation à être étendues à la question des effets cumulés entre substances actives et co-formulants.
Concrètement, l’ANSES se dit prête à travailler, avec d’autres partenaires nationaux ou européens, à établir des principes généraux de protocoles de recherches sur la question des effets à long terme des OGM et associés aux préparations phytopharmaceutiques. Et pour ce faire, l’agence appelle à la mobilisation de financements publics dédiés à la réalisation d’études et de recherches d’envergure sur les risques sanitaires. Un tel dispositif existe aux États-Unis, témoigne Marc Mortureux : le « National toxicology Program » a ainsi pu engager de telles études sur le bisphénol A.
L’étude Séralini sur les OGM « a au moins un mérite : elle a mis en avant la nécessité de bouger » même si elle « n’est pas conclusive » et qu’elle est « controversée », a déclaré la ministre de l’Écologie Delphine Batho. Il faut donc à l’avenir « des études à long terme, des études qui portent sur les effets cumulés des OGM et des pesticides qui les accompagnent et revoir la procédure d’évaluation », a-t-elle indiqué.
Dans un communiqué, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a, pour sa part, affirmé que « le Premier ministre a demandé au ministre de l’Agriculture, à la ministre de l’Écologie et au ministre délégué chargé de la Consommation de porter au niveau européen la demande du gouvernement d’une remise à plat du dispositif communautaire d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides ». Comme l’ont confirmé l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et le Haut conseil des biotechnologies ( HCB), l’étude du Pr Séralini « n’est pas de nature à remettre en cause les précédentes évaluations ».
En conséquence, il n’y a pas lieu « de revenir sur les autorisations accordées au maïs NK603 et à l’herbicide Round-up ». En revanche, le gouvernement retient la proposition de renforcer les études sur les effets à long terme de la consommation des OGM et des pesticides. « Dans ce contexte, la détermination du gouvernement pour maintenir le moratoire en France des OGM autorisés à la culture dans l’Union européenne est réaffirmée. »
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