Le projet de réforme du système de santé en cours d’examen par la représentation nationale comporte des points inacceptables.
À propos du secret médical.
Le secret médical m’a accompagné durant toute ma carrière. Grâce à lui, mes patientes ont pu me faire confiance et j’ai pu les prendre en charge sans méconnaître les éléments indispensables à une bonne pratique.
Le projet de numériser les dossiers médicaux et de donner le contrôle de ces données à une structure sous autorité de l’administration devrait à mon sens être la première raison de mobilisation des jeunes médecins contre ce texte.
La capacité de nuisance pour quelqu’un disposant d’un tel fichier est infinie.
Bien sûr, certains d’entre nous peuvent être tentés de faire confiance au pouvoir en place quant à l’usage de ces données. Qu’en sera-t-il si un gouvernement moins scrupuleux sur le respect des libertés venait à exercer le pouvoir ?
La Stasi l’a rêvé. Vous êtes sur le point de la réaliser.
À propos du tiers payant généralisé (TPG).
C’est probablement la fin de la médecine libérale.
Pour moi, en tant que médecin, ce n’est pas bien grave. Le système était de toute façon au bout du rouleau avec des médecins épuisés et toujours plus mal rémunérés.
La plupart des praticiens, approchant de leur fin de carrière, vont se déconventionner. D’autres se mettront en préretraite. D’autres iront grossir les rangs des médecins hospitaliers qui se détruisent la santé à essayer de travailler, en dépit des contraintes d’une administration hypertrophiée et omnipotente qui, pour justifier son existence, invente sans cesse de nouveaux obstacles à leur exercice.
Dans tous les cas, grâce à cette loi, l’offre de soins va continuer de s’effondrer.
Par contre, je suis également, et pour mon plus grand regret, un patient. Et là, je suis vraiment inquiet.
J’aurais aimé pouvoir continuer de bénéficier de la qualité et de l’efficacité de la médecine libérale tant pour les actes de dépistage que pour le suivi de mes pathologies. (Attention, je ne dis pas que l’hôpital ne produit pas de soins de qualité. Il est même d’une efficacité remarquable pour ce qui concerne le gros risque et la prise en charge des vraies urgences).
En tant que patient, ayant une carte de Sécurité sociale à jour, j’ai toujours été remboursé de mes frais avant que mon compte ne soit débité. Le TPG ne m’apporte aucun service.
Un des vrais problèmes est le délai scandaleux que les caisses imposent pour le renouvellement des cartes (souvent plusieurs mois), qu’elles soient modifiées ou perdues. Voilà qui pénalise vraiment les gens. Les remboursements sur feuille de soins papier sont très longs. Quitte à faire une loi, c’est sur ce point que vous auriez dû vous pencher. Ce d’autant plus que le TPG ne sera pas applicable lorsque les gens ne seront pas porteurs d’une carte en cours de validité.
Enfin, pour conclure sur le tiers payant, il faut signaler que le vrai changement important que la loi prévoit est de prélever sur le compte bancaire de l’assuré le ticket modérateur (reste à charge) qui aura été réglé par la caisse au médecin.
En tant que professionnels, il nous a récemment été imposé de laisser les caisses se servir sur notre compte bancaire. Les chèques, que j’adressais depuis le début de ma carrière pour régler les charges sociales, sont maintenant interdits. L’an dernier, la caisse a prélevé six cents euros de trop sur mon compte. Ils ont fini par le reconnaître mais je n’ai jamais pu être remboursé.
C’était déjà, depuis l’an dernier, « open bar » sur le compte des professionnels. Ce sera maintenant également le cas sur le compte des assurés. C’est intolérable.
À propos de l’IVG.
Soyons clairs, il n’est pas question pour moi de remettre en cause un seul instant le libre accès à l’IVG. Je me dresserai toujours contre tout projet de retour vers des pratiques illégales et dangereuses.
Mon propos porte sur le délai de réflexion d’une semaine que la loi débattue prévoit de supprimer.
Je vois de nombreuses patientes consultant en vue d’une IVG. Parmi elles, beaucoup si ce n’est pas toutes aimeraient que le geste soit réalisé le plus vite possible, tourner la page… Ce délai le leur interdit.
Certaines sont et resteront déterminées. La vie est parfois compliquée. Le recours à l’IVG doit dans ces cas leur être facilité au maximum.
D’autres, qui n’avaient pas fait de projet de grossesse, manquent un peu de confiance en elles, ne savent pas très bien où se situer avec leur compagnon ou se trouvent encore un peu jeunes. Celles-ci ont besoin de ce délai de réflexion qui leur est imposé par la loi.
Parmi ces dernières, certaines reviennent consulter à 10 semaines de grossesse, ayant choisi, in fine, de poursuivre leur grossesse.
Le délai d’une semaine leur a permis de réaliser qu’elles la souhaitaient.
Je travaille dans une petite ville. J’ai des nouvelles de beaucoup de mes patientes. Je peux vous garantir que ces jeunes qui ont échappé à l’IVG grâce au délai de réflexion sont heureux et font le bonheur de leurs patients tout autant que les autres enfants.
Le nombre de ces cas n’est sans doute pas très important. Après concertation avec mes confrères réalisant ces actes dans nos centres, nous avons conclu qu’il s’agit en moyenne d’une dizaine de couples par an qui choisissent finalement d’abandonner leur projet d’IVG.
Si on multiplie ce chiffre d’une dizaine de cas par an par le nombre de centres prenant en charge les IVG, c’est plusieurs milliers d’enfants bien portants et finalement, après réflexion, désirés, qui seront supprimés chaque année.
Si on fait les comptes, Madame le ministre, à côté de vous et si vous soutenez ce texte, Hérode ne sera plus qu’un doux rêveur.
À propos du tabagisme des femmes enceintes.
La France est détentrice d’un sinistre record du monde dans ce domaine.
Depuis trente ans, je vois chaque jour les dégâts que fait le tabac sur les fœtus : augmentation importante de l’incidence des grossesses extra-utérines, du nombre de fausses couches, des retards de croissance, des malpositions de pieds, des enfants mort-nés, des morts subites du nourrisson, sans parler des complications plus rares mais dramatiques ni des autres complications survenant plus tard dans la vie de ces enfants ; la liste est si longue qu’elle remplit un petit livre assez bien fait, publié dans la collection « Que sais-je ? », intitulé « Grossesse et tabac ».
Voilà un domaine sur lequel vous auriez dû vous mobiliser dès votre entrée au ministère. Trop peu est fait dans notre pays pour aider les femmes enceintes à se sevrer. Elles ne reçoivent qu’une formation superficielle.
Le nombre de femmes enceintes fumeuses en France est tel dans certains milieux qu’elles finissent par avoir le sentiment que le tabac est acceptable. Ce d’autant plus que celles dont l’enfant rencontre des difficultés refusent de faire le lien avec leur tabagisme.
C’est un problème majeur d’inégalité sociale. La très grande majorité des fumeuses sont des gens de milieu modeste. Ce sont leurs enfants qui naîtront avec un cerveau développé au monoxyde de carbone. Les enfants des milieux favorisés ont droit, eux, à l’oxygène pour mettre en place leurs neurones.
Voilà Madame un bien sinistre bilan.
Je vous remercie par avance pour l’attention que vous aurez bien voulu porter à ces quelques réflexions sur votre projet de loi.
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