DÈS L’ANNONCE du projet de loi de mariage pour tous par François Hollande en septembre 2012, les voix des médecins se sont élevées. Psychiatres, pédopsychiatres, psychanalystes et pédiatres se sont d’abord penchés sur les répercussions que pourrait avoir sur les enfants l’ouverture de l’adoption simple et plénière aux homosexuels prévue dans le texte présenté par la Garde des Sceaux Christiane Taubira.
La bataille ne se livre pas sur le terrain de la clinique. Les enfants élevés dans un contexte homoparental ne représentent qu’une minorité de la patientèle des médecins, ce qui ne permet pas d’avoir un quelconque recul et rares sont les études de qualité scientifique sur le sujet.
La société française de pédiatrie (SFP) et l’association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) ont par ailleurs mis en garde contre toute schématisation, rappelant que les risques que peuvent présenter l’adoption, bien connue, ou l’homoparentalité, moins renseignée, ne signifient pas échec dès lors que l’enfant a des liens d’attachement précoce stables et que le développement de chacun est singulier.
Des avis inconciliables.
La discussion se situe plutôt au niveau de la construction psychique de l’enfant. Selon le Dr Maurice Berger, chef de service en pédopsychiatrie au CHU de Saint-Étienne, l’homosexualité des parents met en difficulté l’enfant dans sa construction de la scène primitive. Le Dr Christian Flavigny (praticien attaché au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière) évoque le risque d’un brouillage généalogique avec des liens de filiation non crédibles, car non ancrés dans une union des manques.
À front renversé, d’autres pédopsychiatres, comme le Dr Serge Hefez (responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de pédopsychiatrie à la Pitié-Salpêtrière), insistent sur les bénéfices de la normalisation de la famille homoparentale pour les enfants qui devraient se sentir moins stigmatisés.
Les avis demeurent inconciliables. Mais les médecins sont-ils seulement légitimes pour se prononcer ? Le Dr Stéphane Nadaud, l’un des premiers pédopsychiatres à avoir publié en 2000 une étude psychologique et comportementaliste sur 58 enfants élevés par des homosexuels, se refuse à tout commentaire sur le mariage pour tous. « En tant que clinicien, le médecin doit accueillir un individu dans sa souffrance sous toutes ses formes. En tant que psychanalyste, il doit s’appuyer sur une clinique. Je ne vois pas quelle légitimité ont les médecins à dire ce que la société devrait être - à moins de se positionner en moraliste », expliquait-il en janvier au « Quotidien ».
Report de l’AMP.
Absente du projet original de loi sur le mariage pour tous, mais objet d’un cafouillage au sein même de la majorité (le groupe socialiste de l’Assemblée ayant un temps voulu l’inclure sous forme d’amendement), l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de même sexe a également interrogé le corps médical. D’autant plus que la direction générale de la santé a rappelé aux gynécologues et obstétriciens qui orienteraient les femmes à l’étranger pour un don de gamètes qu’ils sont passibles de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Passé ce coup de chaud, le débat a très vite été élargi aux difficultés auxquels sont confrontés tous les couples, avec l’appel du Pr René Frydman à un Plan AMP. Sur 70 000 tentatives en France chaque année, seule une femme sur 5 mène sa grossesse à terme. Les dons d’ovocytes manquent, les délais sont interminables, et 8 000 femmes qui en ont les moyens passent les frontières pour un don d’ovocyte. En outre, l’ouverture de l’AMP aux femmes célibataires ou aux homosexuelles en couple pourrait remettre en cause l’anonymat du donneur.
Le Comité consultatif national d’éthique présidé par le Pr Jean-Claude Ameisen, conformément à la loi de bioéthique de 2011, s’est saisi de la question de l’AMP, mais aussi de l’autoconservation des ovocytes, de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes et de la gestation pour autrui (GPA). Celle-ci continue de diviser, certains, comme le Pr François Olivennes plaidant pour une GPA pour des indications médicales, d’autres, comme le Pr Frydman, considérant qu’il s’agit d’une instrumentalisation du corps de la femme.
Des états généraux étaient prévus à l’automne, avant d’être repoussés début 2014, pour laisser la place au débat sur la fin de vie. Presqu’aux calendes grecques. La ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé la dissociation de cette question de la loi sur la famille prévue avant la fin de l’année.
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