CE SERAIT un très mauvais jeu de mot. Pour décrocher son poste, le médecin rwandais a montré patte blanche. Ce qu’affirme, en d’autres termes, le directeur de l’hôpital de Maubeuge : « Les conditions du recrutement de ce médecin sont parfaitement limpides, assure Henri Mennecier . Je l’ai recruté en mai 2008 comme praticien attaché associé car il n’était pas inscrit au Conseil de l’Ordre, après avoir reçu son titre de séjour et un avis favorable de la DRASS. Ce docteur a rempli les conditions que je devais vérifier. Comme les 30 autres médecins étrangers de l’hôpital de Maubeuge ».
Mais pour Interpol, ce médecin-là pourrait bien avoir les mains rougies de sang. L’organisation internationale le recherche depuis 2006, lui qui a été médecin chef du centre universitaire de santé publique de Butare, dans le sud du Rwanda, pour sa participation présumée à l’organisation du génocide rwandais. C’est une infirmière maubeugeoise qui a découvert le pot aux roses la semaine dernière. Heurtée par le déroulement d’une consultation, elle a tapé le nom de son médecin du travail sur Google. L’avis de recherche d’Interpol est apparu sur son écran. Et d’autres informations, tout aussi troublantes : un couple franco-rwandais en chasse contre les génocidaires a déposé plainte contre ce praticien en 2007 ; le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire en février 2008.
La nouvelle dérange. Bien sûr, la présomption d’innocence prévaut, mais comment ne pas s’interroger sur les circonstances qui ont conduit ce médecin rwandais à exercer depuis des années dans le Nord-Pas-de-Calais (il a été contractuel au CHU de Lille), alors que des faits d’une extrême gravité (crime de guerre, génocide), datant de 1994, lui sont reprochés ?
L’administration a eu tôt fait de réagir : le directeur de l’hôpital de Maubeuge a suspendu le praticien de façon provisoire. « Une décision équilibrée, qui permet au médecin de conserver son salaire, tout en évitant le trouble au sein de l’hôpital », commente Bernard Delaeter, secrétaire général de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) du Nord-Pas-de-Calais. Qui contrôle le passé politique des nouvelles recrues hospitalières ? « Je suis directeur de l’hôpital de Maubeuge. Je n’ai pas à savoir quelle autorité est responsable de ce genre de vérification, se défend Henri Mennecier. Pour moi, l’affaire est classée ». Même son de cloche du côté de l’ARH : « Le directeur d’hôpital a fait son travail. Ce n’est pas à lui d’aller plus loin dans les recherches ». Mais alors, à qui incombe cette responsabilité ? « Je n’en sais rien », reconnaît Bernard Delaeter, de l’ARH.
Même réponse teintée d’embarras dans la bouche de Michel Rosenblatt, secrétaire général du SYNCASS-CFDT, un syndicat de directeurs d’hôpital. « Nous demandons un extrait de casier judiciaire qui indique les condamnations, mais pas les enquêtes en cours ni les mandats internationaux. À ma connaissance, il n’existe pas de procédure ni d’obligation de rechercher le passé d’une personne dans son pays d’origine. C’est peut-être une carence ». Le Dr Hani Jean Tawil, délégué général de la Fédération des praticiens de santé (FPS), peut décrire précisément les critères requis pour attribuer la qualification aux médecins étrangers. Mais dans ce cas précis, il sèche lui aussi : « Qui doit contrôler les actions antérieures des médecins étrangers ? La police, le directeur d’hôpital, le chef de service, le Conseil de l’Ordre ? On ne sait pas ».
Traçabilité des peines... européennes.
Le Conseil de l’Ordre n’a pas eu son mot à dire dans le cas de ce médecin rwandais, puisqu’il n’y est pas inscrit. Xavier Deau, conseiller national du CNOM, le regrette bien. « Sur le territoire européen, nous avons une traçabilité des peines disciplinaires pour tous les médecins. Pas hors de l’Europe. C’est pourquoi le Conseil de l’Ordre organise un entretien très fouillé à chaque fois qu’un médecin non européen vient. Nous n’avons pas les moyens d’Interpol, mais nous cherchons la plus grande visibilité sur son passé, y compris politique. Si nous avons un doute, nous prévenons les renseignements généraux. Nous nous devons de prévenir tout autre passage à l’acte ». Le Conseil de l’Ordre s’est récemment prononcé sur le cas d’un médecin pédophile. Et sur le cas d’un autre qui avait tué sa tante. Mais de « génocidaires » passés en revue, point. « J’ignore si ce cas est unique ou pas en France, reprend Xavier Deau. Je me suis posé des questions sur un médecin éthiopien, un jour. Il est parti à l’autre bout du monde dès son diplôme établi. Trop tôt pour que nous ayons eu le temps d’agir ».
Tout comme le CNOM, le Centre national de gestion n’est pas intervenu dans la carrière de ce médecin rwandais, car il est contractuel, et non sous statut. Sa directrice, Danièle Toupillier, précise que « seule la DHOS peut dire s’il existe une procédure spéciale pour vérifier le passé politique des médecins étrangers ». « Le droit d’entrer sur le territoire, et le droit d’exercer sur le territoire, ne dépendent pas du ministère de la Santé », nuance-t-elle. Contactée par « le Quotidien », la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) au ministère de la Santé, n’a pas répondu.
Nieddu Vladimir, syndicaliste à SUD santé, veut la vérité sur cette affaire. Il a écrit au procureur, et demande une enquête au ministère de la Santé. « Le directeur de l’hôpital de Maubeuge nous dit que ce médecin est en règle, cela ne nous suffit pas. Il y a des zones troubles autour de son recrutement », assure-t-il, persuadé que d’occultes protections sont à l’uvre. « Il aura fallu qu’une infirmière tapote sur Internet pour que l’affaire éclate, reprend Nieddu Vladimir . À l’ère du fichier Edwige et des écoutes, cet homme aurait pu être retrouvé aisément ».
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