Donald Trump deviendra officiellement demain le 45e président américain.
À peine investi, il s'attaquera au processus d'abrogation de l'Affordable Care Act (ACA) ou Obamacare, la réforme santé de Barack Obama qui a permis à 20 millions d'Américains d'acquérir une couverture santé (le taux de personnes non protégées passant de 16 % en 2010 à 8,9 % en 2016). Il y a quelques jours, devant la presse, Donald Trump a redit tout le mal qu'il pensait de cette loi, assurant qu'un plan de remplacement serait voté « très vite ou simultanément ». Signe de la détermination du camp républicain, le Sénat américain a adopté une première résolution demandant aux commissions du Congrès d'amorcer immédiatement la procédure de démantèlement.
Transition
Mais au-delà des promesses de campagne et des injonctions, il semble impossible de rayer d'un trait de plume, en trois jours, une réforme aussi complexe.
Sur le fond, il faudra une solution pour les quelque 20 millions d'Américains aujourd'hui couverts grâce aux contrats Obamacare. Trump lui-même a assuré (sans précision) au « Washington Post » qu'il subsisterait « une assurance pour tous » et qu'il forcerait par ailleurs les industriels à négocier avec le gouvernement les prix des médicaments dans les programmes Medicaid (pour les plus pauvres) et Medicare (pour les personnes âgées). Surtout, deux mesures populaires de la réforme devraient être conservées : d'une part, l’interdiction pour les assureurs de prendre en compte dans le montant des primes les antécédents médicaux des personnes couvertes et, d'autre part, l’obligation pour les assureurs privés de couvrir les enfants qui dépendent de leurs parents jusqu’à l’âge de 26 ans. Hormis cela, la fameuse solution de remplacement du clan Trump reste très floue…
Cette zone grise sur l'avenir du système de santé jette le trouble jusque dans le camp républicain. Plusieurs sénateurs conservateurs ont réclamé une période de transition de plusieurs mois afin d'élaborer un plan de remplacement solide avant l'abrogation de l'Obamacare. Pour autant, certaines dispositions de la réforme – comme l'extension de Medicaid, la régulation fédérale stricte des contrats privés ou les amendes infligées aux Américains ayant refusé de souscrire – pourraient être supprimées immédiatement par le biais d'amendements, lors d'un vote budgétaire (procédure à la majorité simple).
Le Congrès, lente machine
En réalité, c'est le fonctionnement même du Congrès qui risque de contrecarrer les plans de Donald Trump. « Le système politique américain reste relativement long au changement, analyse Anne-Laure Beaussier, chercheur en sciences politiques au King's College de Londres*. Pour Obamacare le vote a pris près d’un an et demi alors que les démocrates avaient les voix nécessaires ! Cela sera une grosse bataille, et il semble peu probable d'avoir une nouvelle loi dans deux semaines, cela ne ressemble pas à l’appareil fédéral américain… »
Les acteurs de santé réclameront eux aussi des gages avant de balayer la réforme. « Les assureurs, les hôpitaux, les professionnels de santé se sont adaptés à l’Obamacare, analyse Anne-Laure Beaussier. Revenir en arrière sera coûteux et le secteur économique ne pourra pas suivre forcément tout ce que les Républicains veulent faire, il sera difficile de tout détruire rapidement. »
Obama à l'offensive
De son côté, le Parti démocrate devrait faire campagne et mener bataille pour défendre cette loi phare sur tous les fronts, notamment en utilisant la procédure d'obstruction parlementaire au Sénat – les Républicains auront besoin de 60 % des votes. Barack Obama lui-même s'est rendu récemment au Congrès afin d'appeler les démocrates à la mobilisation générale.
Le président sortant a longuement défendu son bilan santé lors de son discours d'adieu, le 10 janvier à Chicago. Il a souligné que la proportion d'Américains non couverts n'a jamais été aussi faible et que « les coûts des soins connaissent leur croissance la plus modérée depuis 50 ans ». « Si quelqu'un est capable de mettre sur pied un projet meilleur (...) je lui exprimerai publiquement mon soutien », a lancé l'ancien président, presque comme un défi à l'administration Trump.
* Auteure de « La santé aux États-Unis, une histoire politique », aux Presses de Sciences Po.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation