Grâce au premier séminaire sur les traumatismes psychiques qui s’est tenu ce lundi à l’hôpital d’instruction des armées (HIA) du Val-de-Grâce, la « Grande muette » a commencé à lever le voile sur un tabou : l’état de stress post-traumatique.
Psychiatrie et armée n’ont jamais frayé loin l’une de l’autre. Mais « le conflit en Afghanistan, et notamment l’embuscade d’Uzbin en août 2008 lors de laquelle 10 soldats français sont morts et 21 blessés, a ouvert une nouvelle dimension », explique le médecin général des armées et directeur du service de santé des armées (SSA) Jean-Marc Debonne.
Depuis les initiatives se sont succédé. Le sas de Chypre, destiné à aider les combattants à revenir en France, a été créé en 2010. En mars 2011, un plan d’action de prise en charge des militaires et de leur famille a été instauré par le ministre de la Défense, suivi, en septembre 2011, par la création du bureau médico-psychologique de la direction centrale du SSA, chargé d’harmoniser l’action des cliniciens. Une charte de fonctionnement est actuellement en cours de ratification.
550 soldats en stress post-traumatique.
Si ces dispositifs concernent l’ensemble des traumatismes psychiques dont peuvent souffrir les soldats de toutes les armées, l’état de stress post-traumatique fait l’objet d’une vigilance particulière. « Une situation est traumatique lorsqu’il y a confrontation à sa mort. L’état de stress post-traumatique peut se révéler tardivement », explique le chef du service de psychiatrie de l’HIA du Val-de-Grâce, Humbert Boisseaux.
Pour l’identifier - il est répertorié dans les classifications psychiatriques, les professionnels bénéficient d’un outil sous forme d’une liste de symptômes (Post-traumatic Stress Disorder Checklist Scale- PCLS). Les principaux sont : la récurrence des souvenirs, images, rêves liés à l’événement stressant, la brusque sensation de revivre l’épisode, l’agressivité, l’hypersensibilité, l’évitement de ce qui rappelle à l’esprit le traumatisme ... L’état de stress post-traumatique est d’autant plus important qu’il y a confrontation visuelle au réel, et sensation d’être passif, « chassé ».
Selon Humbert Boisseaux, 550 militaires sont suivis par le SSA pour un stress post-traumatique fin novembre 2012. « Le chiffre est sous-estimé. Et c’est normal », souligne le psychiatre.
Honte et temporalité
La difficulté du diagnostic tient d’abord à la difficulté pour le soldat de parler de ses blessures psychiques. « Le militaire a fait une rencontre indicible avec la mort, il peut ressentir de la honte et de la culpabilité qui le bloquent dans sa demande de soins », analyse le Pr Boisseaux. « Le lien avec l’Institution et la Nation est aussi très fort », ajoute-t-il.
Le second obstacle est le déclenchement parfois à retard du stress post-traumatique. « On ne sait pas qui va développer la pathologie ni quand : c’est spécifique à chaque individu et imprévisible comme la vie ».
L’action de soins des armées est donc double : immédiate et à plus long terme. Le SSA possède un dispositif de surveillance épidémiologique des troubles psychiques grâce à des fiches dites « F-5 ». Depuis 2011, 1 100 fiches ont été recueillies, 644 depuis 2010. Selon les premières données, près de 7 % des soldats ayant servi en Afghanistan souffrent de troubles post-traumatiques 6 à 9 mois après leur retour. « Ce taux ne peut qu’augmenter », prévient le Pr Boisseaux. Environ 15 % de militaires pourraient souffrir de troubles psychiques.
Ces blessures invisibles sont indemnisées par l’Institution. Selon la sous-direction des pensions, 1 100 demandes de réparation relative à des états post-traumatiques sur 1 600 ont abouti ces dix dernières années à une reconnaissance d’invalidité partielle entre 10 % et 30 %. Quelque 80 soldats revenus d’Afghanistan en ont bénéficié.
France 3 consacre son émission « Pièces à conviction » du mercredi 5 décembre, à 23h10, au « Syndrome Afghan : les soldats oubliés de la France ». Les équipes de télévision reviennent sur les 88 morts et 1 200 blessés de la guerre, dont les 400 traumatisés psychiques. Pour la première fois, elles filment le dispositif de détection du syndrome de stress post-traumatique à Kaboul et à Chypre, ainsi que les thérapies mises en place à l’hôpital militaire de Percy. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian participera à un débat avec l’épouse d’un militaire sur le thème : « L’armée fait-elle tout ce qu’elle peut pour détecter, prendre en charge et manifester sa reconnaissance à ses blessés invisibles ? »
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