RÉVÉLÉE par le quotidien « Les Échos » (édition du 25 mai), la décision du spécialiste britannique de l’orthopédie Smith&Nephew de diffuser, à partir du 6 juin, des spots télévisés (sur France 2 et M6) promouvant une technologie censée garantir une durée d’utilisation de 30 ans de la prothèse du genou pourrait relancer le débat sur la communication directe par les industriels de la santé, son contrôle et ses risques.
L’offensive est inédite, c’est pourquoi elle déroute y compris dans le corps médical (lire ci-dessous).
Dans le secteur du matériel et des dispositifs médicaux, les entreprises ne se sont jamais hasardées sur le terrain de la communication grand public. Un terrain risqué compte tenu du caractère particulier et sensible des produits concernés. Au SNITEM, le syndicat qui regroupe les industriels du secteur des dispositifs médicaux, on affirme n’avoir « aucune remontée sur de telles stratégies de publicité à l’étude de la part de nos adhérents ». L’initiative du groupe britannique est, là aussi, perçue comme une première.
Du côté des autorités publiques, c’est l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui veille au grain en matière de surveillance du marché du matériel médical. L’initiative promotionnelle de Smith&Nephew est suivie de près. « Le dossier de la publicité sur les dispositifs médicaux est à l’étude auprès de la Direction générale », confirme l’AFSSAPS au « Quotidien ». Cité dans « les Échos », Nicolas Thevenet, le chef du département de surveillance du marché des dispositifs médicaux au sein de cette agence, évoquait l’existence d’une zone grise. « La publicité sur les dispositifs médicaux n’est pas régulée en France », expliquait-il,renvoyant à l’article L165-8 du code de la Sécurité sociale.
Ce texte stipule uniquement que la publicité auprès du public pour les dispositifs médicaux n’a pas le droit de mentionner que ces produits peuvent être remboursés par l’assurance maladie ou par un régime complémentaire. En clair, si le fabriquant ne communique pas sur le fait que son matériel est pris en charge, il est, semble-t-il, dans les clous. Les enjeux financiers sont conséquents. « On met 150 000 prothèses de hanche par an, ce qui fait de la France le pays au monde où on en pose le plus par habitant, précise le
Dr Jacques Caton, membre du comité directeur du Syndicat national des chirurgiens orthopedistes (SNCO). On pose aussi 75 000 prothèses du genou (contre 41 000 il y a cinq ans), 11 000 prothèses d’épaule, 500 prothèses de cheville...».
La santé et le commerce.
A l’Ordre national des médecins, on surveille le dossier de la publicité en santé mais sous l’angle particulier de l’implication éventuelle de praticiens, ce qui serait interdit. « Si des médecins français sont derrière et apparaissent d’une façon ou d’une autre, il y a plainte et sanction, avertit le Dr Piernick Cressard, président de la section éthique et déontologique. Mais pour le reste nous ne sommes pas compétents, c’est l’AFSSAPS. » Des orthopédistes qui avaient fait de la publicité pour des prothèses de hanche dans des journaux, ou d’autres professionnels qui avaient vanté leurs prothèses oculaires, ont été condamnés, rappelle-t-il, « car la médecine n’est pas un commerce ». « On tient bon sur ce sujet, ajoute-t-il, d’autres pays comme l’Espagne, autorisent larga manu de telles pratiques. »
Si elle concerne du matériel médical, l’initiative de Smith&Nephew pose plus largement la question de la communication des industriels sur des produits de santé, et de son encadrement, une matière d’autant plus sensible après l’affaire du Médiator. S’agissant des médicaments, la publicité directe auprès du grand public par les laboratoires est interdite pour les produits de prescription médicale obligatoire et les produits remboursables – elle est autorisée uniquement si elle est destinée aux professionnels de santé par le biais notamment de la VM et de la presse médicale. Quant aux médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire et non remboursables par les régimes obligatoires d’assurance-maladie, la publicité grand public fait l’objet d’un contrôle a priori et se traduit par la délivrance d’un visa.
Les règles sont donc claires. Mais pas forcément figées. A l’échelon européen, la communication grand public par les laboratoires sur des médicaments sur ordonnance est en débat. Dans nos colonnes, en mars dernier, le patron de la Mutualité Française, Etienne Caniard, affichait son opposition farouche à une telle évolution des pratiques de publicité. Et dans le cadre des Assises du médicament, une des pistes consisterait à instaurer un « service public sur l’information en santé ».
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