C'est une version modifiée de la réforme du dispositif d'irresponsabilité pénale que le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a adoptée ce 19 octobre en première lecture, par 235 voix pour (LR, centristes, En marche, radicaux), 28 contre (communistes, écologistes) et l'abstention des socialistes.
Pour rappel, Emmanuel Macron avait souhaité cette réforme à la suite de l'émotion suscitée par l'« Affaire Sarah Halimi », du nom de cette sexagénaire juive tuée par un voisin en proie à une bouffée délirante après avoir consommé du cannabis et déclaré irresponsable.
En septembre, l'Assemblée nationale avait adopté le projet de loi présenté par Éric Dupond-Moretti, qui prévoit « une exception précise et limitée » au principe d'irresponsabilité pénale, dans les cas où l'abolition du discernement ou du contrôle des actes (temporaire, lors du crime) résulte d'une consommation volontaire de substances psychoactives, dans le dessein de commettre l'infraction ou de faciliter le passage à l'acte. « On ne juge pas les fous, mais on peut les juger pour la période où ils n'étaient pas fous », a expliqué le garde des Sceaux, soulignant que cette disposition « a été validée par le Conseil d’État ».
Jugement par la Cour d'assises ou le tribunal correctionnel
Mais le Sénat a préféré rétablir sa propre version de la réforme, déjà votée en mai dans une autre proposition de loi, et défendue par la rapporteure Muriel Jourda (LR) comme « de bonne justice ». Celle-ci prévoit que le juge d'instruction renvoie devant la juridiction de jugement compétente un accusé dont il estimerait que l'abolition temporaire du discernement résulte « au moins partiellement de son fait ». Ce serait donc le tribunal correctionnel (s'il s'agit d'un délit) ou la Cour d'assises (pour un crime) qui statuerait sur la responsabilité pénale, alors que depuis 2008, ce débat se tient au sein de la chambre d'instruction, dans le cadre d'une audience publique et contradictoire.
Le Sénat a en revanche voté la disposition du gouvernement (comprise dans l'article 2) visant à réprimer le fait, pour une personne, d'avoir consommé des produits psychoactifs en sachant que cela pouvait la conduire à des violences ou un homicide dont elle a été déclarée irresponsable. Des « situations exceptionnellement rares », selon le ministre de la Justice.
Possibilité d'ordonner des soins autres que l'hospitalisation complète
Par ailleurs, le Sénat, a adopté un amendement socialiste et écologique, inspiré du rapport de Dominique Raimbourg et de Philippe Houillon, sur l'expertise psychiatrique, qui permet à la juridiction d’ordonner des mesures de soins sans consentement sans hospitalisation complète, en cas de décision d’irresponsabilité pénale. Une demande récurrente des experts psychiatres, des juges et des avocats qui souhaitent pouvoir proposer d'autres soins que l'hospitalisation complète, alors que « 66 % des personnes pour lesquelles l’irresponsabilité pénale a été prononcée en chambre de l’instruction n’ont pas besoin de cette hospitalisation complète, quand bien même les soins devant leur être délivrés doivent revêtir un caractère obligatoire », lit-on dans l'exposé des motifs de l'amendement.
Autre évolution inspirée par le rapport Houillon-Raimbourg, les sénateurs ouvrent la possibilité au président de la chambre d'instruction d'ordonner avant l'audience l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques, si l'instruction lui semble incomplète ou si un long délai s'est écoulé depuis la précédente évaluation.
Députés et sénateurs tenteront de s'accorder en commission mixte paritaire sur une rédaction commune, faute de quoi l'Assemblée nationale aura le dernier mot.
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