L'introduction du test HPV en première intention après l'âge de 30 ans au printemps dernier rend le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus plus performant et moins astreignant. Mais qu'en est-il pour les femmes immunodéprimées plus vulnérables à l'infection HPV persistante, aux lésions intraépithéliales (col, vagin, vulve) et au cancer invasif ? Alors qu'il n'existe pas de recommandations spécifiques pour cette population disparate, la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) a fait le point lors d'un e-congrès dédié au sujet le 10 janvier.
« Le dépistage, c'est plus souvent et plus longtemps ». Tel est le message clef de la campagne lancée par l'ARS Nouvelle-Aquitaine que relaie la SFCPCV. Trois populations de femmes sont ciblées en particulier : patientes greffées, exposées in utero au Distilbène (DES) ou vivant avec le VIH.
L'immunodépression entraîne une réactivation de l'infection HPV latente, une diminution de la clairance virale et la persistance du virus. Ainsi, comme l'explique le Dr Jean-Luc Mergui (Pitié-Salpêtrière, AP-HP) : « Le portage de l'HPV est banal, les lésions de bas grade fréquentes. La recherche virale n'est pas pertinente dans cette population, comme c'est le cas chez les femmes de moins de 30 ans. Il faut se concentrer sur la recherche des lésions de haut grade et des cancers. Le test HPV peut avoir un intérêt à six mois post-traitement ». S'il est négatif dans ce cas, une cytologie de surveillance annuelle peut alors être proposée.
En raison de la fréquence élevée des récidives, et ce même après traitement, ainsi que des lésions multifocales, la surveillance est au premier plan. « Le traitement doit être différé, y compris dans les lésions de haut grade, même en cas de récidives », explique le Dr Xavier Carcopino de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Ainsi, les lésions ne doivent pas être systématiquement traitées mais surveillées. « Un traitement ne pourra être proposé que si les lésions s'aggravent, explique le Dr Geoffroy Canlorbe (Pitié-Salpêtrière, AP-HP). Il faut savoir prolonger la surveillance des lésions de bas grade au-delà de 24 mois ».
Le Pr Carcopino abonde : « Il faut limiter les exérèses itératives. Le traitement est bénéfique à court terme mais pas à long terme, d'autant que les sténoses post-traitement peuvent rendre difficile le suivi ultérieur. Les hystérectomies sont à éviter car le risque de récidive vaginale est multiplié ».
Un frottis par an, un suivi à vie
Pour ces femmes immunodéprimées, le suivi gynécologique annuel repose sur un examen complet de la vulve, du col et du vagin avec un frottis pour analyse cytologique (éventuellement associé à un test HPV). Quant au suivi, il doit être poursuivi après 65 ans, y compris après ablation de l'utérus.
Pour les patientes transplantées, le dépistage peut être débuté dès 21 ans selon l'âge de la greffe. Pour celles exposées in utero au DES, des prélèvements cytologiques du col et du vagin doivent être effectués. Ces femmes, qui ont un risque accru de lésions précancéreuses au niveau du col ou du vagin, peuvent développer un cancer particulier, l'adénocarcinome à cellules claires (ACC) du col ou du vagin non lié à l'HPV.
Pour les femmes vivant avec le VIH, le risque est corrélé au statut de la maladie. Un frottis cytologique doit être réalisé lors du diagnostic, quels que soient l'âge et la date du dernier test et dans l'année qui suit les premiers rapports sexuels pour celles contaminées à la naissance. Pendant trois ans, un frottis cytologique annuel est indiqué. Ensuite, si les analyses sont normales, le suivi cytologique sera réalisé tous les trois ans si un traitement antirétroviral est mis en place, que la charge virale est indétectable et que le taux de CD4 est supérieur 500/m3. Dans tous les autres cas, un dépistage annuel reste nécessaire.
Concernant le vaccin anti-HPV, il est recommandé en cas d'immunodépression selon le schéma à trois doses quel que soit l'âge, comme l'a rappelé le Pr Serge Douvier du CHU de Dijon. Certes, la réponse à la vaccination diffère selon les situations − la séroconversion est élevée en cas d'infection par le VIH (> 95 %), moins en cas de maladie auto-immune (environ 75 % pour le lupus) et de greffe (environ 50 %). Mais la vaccination est sans risque dans toutes les situations, avec des bénéfices maximaux si elle est faite à l'âge recommandé et avant le statut d'immunodépression.
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