Le projet de réforme de la Santé de Madame Touraine est un copié-collé du système de soin britannique. La ministre veut imposer une gratuité de facto des soins.
La médecine gratuite du NHS (le National Health Service) était un bon système en Grande-Bretagne en 1948 quand il fut créé. C’est aujourd’hui un échec financier et humain. À l’heure ou Madame Touraine voudrait l’importer en France, les Anglais se rendent compte de ses effets pervers et aimeraient bien s’en débarrasser. Depuis 20 ans, les gouvernements conservateurs et même néo-travaillistes ont tous tenté de le faire disparaître mais font semblant d’y tenir pour des raisons démagogiques. La santé est un sujet trop sensible. Réformes après réformes, c’est toujours la même faillite.
L’herbe est plus verte...
La mode – ou la « modernité » si l’on veut – vient depuis longtemps d’outre-Manche. On a beau peaufiner le culte de « l’exception française », l’influence du monde anglo-saxon ne se fait jamais démentir. La médecine anglaise vit au rythme des QOF (Quality and Outcome Framework, ou Trame de Qualité et Résultats) qui paie les généralistes en fonction de résultats cliniques. Donc on copie en France… L’accès au médecin britannique est gratuit ? On copie encore… Comme disent les Anglais : « L’herbe du voisin est toujours plus verte. » En tout cas elle paraît plus verte en Angleterre.
On parle sans cesse de diminuer le trou de la Sécu mais la médecine gratuite augmente paradoxalement le nombre de consultations. En Angleterre on évalue que la demande médicale est augmentée de 20 % par la gratuité des soins. La couverture médicale n’est pas meilleure car les 20 % de demandeurs de soins ne viendraient pas s’ils avaient à payer seulement 1 pound. Ils ne sont pas inquiets pour leur santé, beaucoup vont voir le médecin avec une « liste d’achats ». Ils sont à la recherche de médicaments gratuits, d’arrêts-maladie, de pension d’invalidité. Ceux que l’on appelle les « heart sinks » encombrent les cabinets avec des pathologies difficiles à quantifier et mystérieusement perpétuelles et invalidantes, douleurs et fatigue, jamais objectivées par des examens à répétition, mais garantissant une augmentation de l’aide financière et des pensions étatiques.
Comme un supermarché gratuit
Consommer sans payer ! Imaginez un supermarché gratuit. Il y aurait forcément de l’abus. La proportion de consultations superflues est augmentée par l’accès sans limite. 90 % des patients en France ont les moyens de voir un médecin et le payer ; ils n’en abusent pas car il faut sortir l’argent de la poche, même s’ils sont rembourrés. Les 10 % qui ne paient pas (ex. les CMU), de milieux défavorisés et seules personnes vraiment à risque de sous-médicalisation, sont déjà couverts puisqu’ils ne paient pas. Ce sont parmi nos patients ceux qui surconsomment. Ils viennent souvent pour des problèmes très mineurs pour lesquels ils ne viendraient pas s’ils devaient ne payer ne serait-ce qu’un euro.
Augmenter sans cesse l’esprit d’assistanat détruit notre société. Vous voulez augmenter les droits ? le corollaire est la diminution des devoirs, en l’occurrence gérer son budget. C’est très mal connaître la nature humaine que de croire que la gratuité améliore l’accès aux soins dans une des sociétés les plus riches du monde où la vie est la plus protégée au monde. Il suffit d’aller voyager au-delà de nos frontières pour se rendre compte que l’accès aux soins et leur qualité sont déjà en France les meilleurs du monde. Touraine essaie de faire croire qu’il y aura moins d’hospitalisation et à terme un suivi moins coûteux si les soins sont gratuits. Il suffit d’étudier les courbes statistiques du NHS en Angleterre pour se convaincre du contraire.
Vous croyez que l’augmentation des consultations va améliorer la santé de la population ? Faux. Les pathologies graves et onéreuses sont déjà prises en charge à 100 %. Les 10 % de patients bénéficiant déjà de la gratuité, c’est-à-dire les patients couverts par la CMU, ont une fâcheuse tendance à surconsommer. Curieusement ils partagent le même profil psychologique qu’une tranche non négligeable de la population défavorisée britannique. Les mêmes causes et les mêmes incitations entraînant les mêmes abus ne connaissent pas de frontières.
Le monstre NHS
Le NHS est devenu un monstre. La plus grosse entreprise du Royaume-Uni. Elle emploie un million de personnes. Elle a créé au fil des décennies une situation d’assistanat qui coûte de plus en plus cher en raison du prix exponentiel des nouvelles technologies d’une médecine de plus en plus moderne et complexe. Pire encore, la médecine actuelle est en banqueroute en raison de l’augmentation des prix et du nombre des examens complémentaires. Touraine entreprend une réforme démagogique curieuse qui va accroître les coûts au moment où on cherche à diminuer le déficit de la Sécurité sociale.
Les Anglais ont fait une expérience : ils ont créé un cabinet payant dans une zone très défavorisée : ce fut un succès complet. De nombreux patients pauvres abandonnèrent le cabinet gratuit à l’accès restreint pour ce nouveau cabinet, prouvant que l’argent (une somme modique) n’est pas un facteur limitant d’accès au soin pour une population pauvre de pays comme la France ou l’Angleterre.
Des avantages à la surconsommation ?
Cette surconsommation permet-elle au moins de dépister plus tôt ou de permettre un meilleur suivi des pathologies graves comme les cancers ? Faux. Le retard dans la détection des cancers en Angleterre place ce pays parmi les plus mauvais d’Europe, au même rang que la Slovaquie. En Angleterre, la surconsommation induit un rétro-controle sur l’accès aux examens complémentaires. Le patient ne payant plus, le généraliste paie indirectement ou par l’intermédiaire d’un budget alloué par le Trust régional. C’est lui qui va servir de garde-fou. L’accès aux examens complémentaire n’obéit plus à la loi du marché et l’offre gérée par le gouvernement ne répond plus à la demande, véritable soviétisation de la médecine. Nombres d’examens ne seraient pas demandés si le patient devait sortir ne serait-ce que quelques pennies de sa poches. Un effet entonnoir par rapport à une offre qui se réduit et une liste d’attente qui s’allonge explique qu’il faut en moyenne 3 consultations pour obtenir finalement des examens complémentaires que l’on peut avoir plus vite en France où le patient paie. Pire encore, le gouvernement pense trouver la solution en déléguant l’activité médicale à des compagnies privées en reversant un budget. Pour accroître sa marge bénéficiaire, la compagnie va restreindre l’accès aux soins ou le nombre de son personnel au détriment de l’intérêt du patient. Voila le résultat ultime de la gratuité des soins.
Quelle valeur pour un médecin sans prix ?
La fonctionnarisation de la médecine est en route. Une médecine sans prix n’a plus de valeur. Le médecin est déconsidéré. De toute façon il n’a plus de temps à consacrer à la clinique. En Angleterre le médecin passe plus du tiers de son temps de travail dans la paperasse, entre autres à remplir des dossiers pour atteindre des « objectifs de santé », pourcentage de Tension Artérielle à tant, de cholestérolémie à tant, de glycémie à tant qui lui permettront de gagner plus. Croit-on que la médecine gratuite humanise les rapports entre patients et médecins ? Faux. Le cocktail « médecin dévalorisé/patient sans respect » dénature la relation. Le rapport humain finit par passer au second plan derrière l’argent qu’il faut s’efforcer de récupérer. En Angleterre le moral des généralistes est au plus bas. Un tiers prennent une retraite anticipée. On fait appel à des médecins indiens ou africains pour remplir les vides.
Les Bonnes Consciences du gouvernement semblent n’avoir qu’un contact ténu avec la réalité humaine. « L’avenir radieux » en dogme impose un principe : il faut réformer, imposer sa marque. C’est oublier qu’avec l’augmentation de l’assistanat on déresponsabilise la patientèle. À cela s’ajoute un paradoxe. La gratuité dévalue l’acte médical. La qualité du rapport humain s’en ressent. Tout devient un dû : le médicament, l’arrêt maladie, l’accès au spécialiste, et finalement la certitude d’un résultat. Au risque que la guérison ne devienne aussi un dû.
Faire payer tous les patients
Ce n’est certainement pas idéal ni beau à dire mais la responsabilité du patient par rapport à son porte-monnaie – il faut sortir l’argent même s’il va être remboursé – est le moins mauvais et le plus naturel des régulateurs contre la surconsommation médicale. Une solution pour un gouvernement responsable serait de faire payer tout le monde au pro rata des revenus de chacun ou de l’argent reçu par les subventionnés de l’État. Pour responsabiliser la population il faudrait normalement faire payer TOUS les patients. L’égalité devant les soins. Peut-être une autre utopie…
Je ne comprends pas qu’on puisse mettre en place un projet « bonne conscience » sans en étudier toutes les conséquences et les réalités sur le terrain et surtout sans tenir compte des premiers concernés : les médecins. Le gouvernement de Monsieur Hollande suit comme d’habitude un agenda pré-établi très politiquement correct. Les médecins en colère contre le projet ont par définition tort s’ils s’opposent. Le pouvoir rend tyrannique et schizoïde. Un des symptômes est le refus d’admettre qu’on puisse avoir tort. Pour le mégalomane, plus on s’oppose à lui, plus cela signifie qu’il a raison. Les contradicteurs de La Bonne Pensée sont de vilains réactionnaires ou des contre-révolutionnaires. Place à la Vérité… made in England.
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