PRESIDENTIELLE 2012 - Entretien avec le président de Debout la République

Dupont-Aignan : « la désertification médicale doit être la priorité absolue »

Publié le 06/03/2012
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN - Dans vos 37 propositions, vous promouvez « un vrai service public de la santé » et dénoncez une fracture entre « d’un côté un service public standard, de l’autre un système privé accessible uniquement aux plus riches ». Estimez-vous que l’hôpital public est en crise ?

NICOLAS DUPONT-AIGNAN - L’hôpital public est asphyxié financièrement. Nous sommes dans un serrage de vis totalement contre-productif. On est passé de l’excès de la tarification au forfait à l’excès de la tarification à l’acte. C’est très injuste pour les hôpitaux. On dit que les cliniques coûtent moins cher, mais elles n’ont pas les pathologies les plus lourdes ! Il faut donc ajuster cette tarification à l’acte (il ne s’agit pas de revenir à un système bureaucratique), en prenant davantage en compte les situations des publics visés. On ne peut pas garder une vision totalement comptable de l’hôpital public.

Il faut ensuite une cogestion réelle entre soignants et directeurs : c’est essentiel pour que le directeur ne devienne pas un autocrate. Tout n’est pas à jeter dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires, mais il faut corriger le tir.

Il faut enfin résoudre la problématique des urgences surchargées en reconstituant une vraie médecine de ville. Je propose des maisons de santé en amont des urgences et une maison médicale par canton, regroupant médecins et soignants libéraux.

Comment envisagez-vous de reconstituer la médecine de ville, et notamment, comment vous placez-vous dans le débat opposant coercition et incitation comme solution à la désertification médicale ?

Ça va secouer ! La désertification médicale doit être la priorité absolue. J’ai vu des gens se faire soigner par des vétérinaires ! Je propose d’abord d’augmenter le numerus clausus. Il faut aussi que chaque jeune médecin soit astreint à la fin de ses études à deux ans d’exercice dans une zone rurale désertifiée, en échange de ses études gratuites et de la sécurité sociale…Avec un bonus financier et un système d’incitations, il ne s’agit pas de les pénaliser !

Parallèlement, les zones surdenses doivent être bloquées. Aucun gouvernement n’a jamais su dire stop. Or si la profession médicale ne se discipline pas, elle sera disciplinée par les faits. Je suggère donc des licences pour les spécialités mal réparties sur le territoire. Comme cela existe pour les pharmacies.

Vous souhaitez également encadrer les dépassements d’honoraires…

Il faut d’abord revaloriser les honoraires scandaleusement bas des médecins de ville pour endiguer la fuite vers le secteur 2. Je propose ensuite qu’il y ait, en échange de cette revalorisation, un encadrement des dépassements d’honoraires. Il faut oser des mesures coercitives, c’est de l’argent public, ce sont les remboursements de la Sécurité sociale !

Comment comptez-vous résorber le déficit de la Sécurité sociale ?

D’ici à 2015 on chiffre la croissance des dépenses de l’assurance-maladie à 2,6 % par an. Dans certains domaines (plan cancer, Alzheimer, dépendance…) il faut monter à 5 %. C’est une illusion de croire qu’on peut plafonner ces dépenses : la population vieillit et a besoin d’être soignée.

Nous devons donc dégager des ressources et asseoir les recettes différemment. Mon programme économique prévoit 10 milliards d’euros pour refinancer l’assurance-maladie, non pas grâce à une TVA Sociale, mais à une taxe sur les importations, dans le cadre du protectionnisme intelligent que je propose.

On peut aussi faire de fortes économies sur l’aide médicale d’État. Il est normal qu’on soigne un étranger clandestin : c’est le serment d’Hippocrate. Mais il n’y a peut-être pas besoin de payer ce qu’on ne paie pas aux Français ni aux étrangers en situation régulière. Je suis pour qu’on plafonne l’AME à 300 millions d’euros, alors qu’on dépasse les 700 millions, grâce à un système de contrôle dans les dispensaires.

Enfin, il y a quantité de médicaments, chers, inutiles, qui doivent être déremboursés. Et surtout pas par tranche de saucisson : soit on rembourse totalement, soit on dérembourse totalement. Les actions de groupe seront aussi autorisées afin de mieux responsabiliser les firmes pharmaceutiques, comme aux États-Unis et de casser les féodalités. Il faut arrêter de faire croire que tout est possible. Ça va grincer, mais l’enjeu est de sauver le système de Sécurité sociale.

Dans le domaine de la santé publique où les plans s’accumulent, quelles seront vos priorités ?

Il faut un plan réel en faveur de la lutte contre le cancer, la dépendance, et les maladies neurodégénératives avec une hausse de 5 % des crédits. J’envisage également un plan de lutte contre l’obésité qui ne s’arrête pas aux bonnes intentions : il faut oser interdire les publicités alimentaires aux heures d’écoute des enfants. Il faut aussi continuer sur le tabac et être très ferme sur la prévention.

Que pensez-vous de l’idée, de plus en plus répandue, d’une contraception régulière anonyme et gratuite pour les mineurs, sujet sur lequel le Pr Israël Nisand a récemment livré un rapport ?

Je suis tout à fait d’accord avec le Pr Nisand. Nous avons un énorme retard sur tout ce qui est contraception avec un taux d’IVG inacceptable. Cela devient un moyen de contraception ! Sans être contre l’IVG, je trouve cela ahurissant. Il faut permettre aux services de gynécologie qui ont fermé de rouvrir et agir en amont sur les mineurs : l’idée du Pass contraception me paraît très bien. Je pourrais tout à fait l’étendre.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9093