Reconquérir la confiance des médecins
À chaque pays ses « controverses » vaccinales. En France, deux phénomènes fondateurs ont forgé la défiance récente vis-à-vis de la vaccination. « Il y a d’abord eu la vaccination contre l’hépatite B et son association à la sclérose en plaques puis la gestion de la grippe H1N1 considérée comme hasardeuse, dispendieuse et injustifiée », rappelle le Pr Jean-Paul Stahl, responsable clinique au service infectiologie du CHU de Grenoble.
À cela se greffe une multitude d’autres facteurs : « Les scandales médicamenteux (Mediator), ceux du contrôle alimentaire (vache folle, horse Gate), l’arrivée des vaccins non obligatoires, la méfiance envers les élites, les experts ou la difficulté ressentie du public à avoir des réponses », évoque le Pr Stahl. « Même les modifications du calendrier vaccinal - toutes justifiées qu’elles soient sur le plan scientifique - créent une instabilité anxiogène voire rétroactive », ajoute-t-il.
Profils de patients
« Si l’on interroge Pubmed, sur le terme – vaccine refusal - (refus vaccinal), on retrouve 533 références dont 355 entre 2000 et 2014 contre 67 pour 1969-1999 », ce qui témoigne de la montée en puissance du problème, souligne le Pr Pierre Bégué, auteur de nombreux avis au nom de la sous-commission vaccination de l’Académie de médecine.
En matière d’adhésion ou non aux vaccins, la littérature a dressé plusieurs profils récurrents de patients. Il y a notamment les « accepteurs sans question » de l’ordre de 30 % (selon des études américaines récentes qui peuvent être extrapolées à la France), « les accepteurs prudents » (35 %), les hésitants (30 %) ou « les opposés à tout vaccin » (moins de 3 %). « Ce qui s’est développé ces dernières années, ce sont surtout les hésitations, les négligences ou les oublis. Et ce sont dans ces domaines-là qu’il faut concentrer les efforts », considère le Pr Bégué.
Des médecins bien seuls
Dans le contexte actuel autour de la vaccination, la quête de l’adhésion des patients est devenue une longue et incertaine bataille. Les campagnes de sensibilisation se succèdent sans grand succès et ce sont surtout les médecins généralistes qui demeurent évidemment en première ligne. « Dès que la confiance du médecin est acquise, on voit que le nombre d’hésitants à la vaccination diminue », constate le Pr Bégué. Mais bien informer les patients et les parents sur la vaccination demande un certain temps disponible qu’il n’est pas toujours facile à dégager dans l’exercice quotidien. « Le médecin généraliste en particulier est souvent débordé tandis que le pédiatre se fait rare », souligne le Pr Bégué qui insiste par ailleurs sur le récurrent problème de la formation initiale et continue des professionnels dans ce domaine. « Parfois on ne prend pas le temps de répondre parce que l’on ne sait pas. Cela fait des années que l’on dit que la formation en vaccinologie est insuffisante en France. L’enseignement des vaccins aujourd’hui dans une faculté normale, c’est deux heures souvent facultatives. Quand il n’y avait que trois vaccins, cela pouvait suffire mais désormais avec la multitude de vaccins, le fait que rien n’ait changé est inquiétant pour la suite dans ce contexte de réticence générale », déclare le Pr Bégué. Selon l’académicien, d’autres moyens d’information et de sensibilisation devraient être davantage promus pour mieux accompagner l’action des professionnels : « Les documentations de l’INPES ou les avis du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) ne sont pas assez connus, tout comme les actions autour de la semaine européenne de la vaccination. Le calendrier vaccinal simplifié doit aussi être mieux diffusé et le carnet de vaccination électronique doit certainement aider à renforcer le dialogue sur le vaccin », résume-t-il.
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