LE QUOTIDIEN – Vous avez adressé deux courriers récents à Mireille Faugère et Claude Évin. Pourquoi montez-vous au créneau au sujet de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), un dossier sur lequel vous êtes rarement en première ligne ?
BERTRAND DELANOË – Tout d’abord laissez-moi préciser que ce n’est pas la première fois que je monte au créneau et lorsque j’étais président du conseil d’administration, je me suis élevé contre les suppressions d’emplois. J’ai appelé à voter contre les budgets proposés en 2009 et 2010. Maintenant, la situation continue de se dégrader. Je suis en permanence alerté par les professionnels de santé, par les usagers de l’hôpital, par les élus. Le couperet comptable auquel est soumis l’AP-HP, premier CHU d’Europe, met en péril une institution qui a toujours su allier sa mission essentielle de soins de proximité, avec l’excellence, l’innovation, la recherche. Je tiens à redire ici que je veux défendre le système public de santé et ne pas le laisser brader car c’est l’un des meilleurs du monde et il est basé sur une valeur essentielle qui est l’accès égal pour tous, y compris les plus démunis et dans l’époque agitée où nous sommes, cette garantie reste inaliénable.
Pourquoi vous inquiéter de la fermeture de la chirurgie cardiaque à Créteil alors que l’offre demeure inchangée dans Paris intra muros ?
Mes inquiétudes sur le service public de la santé ne s’arrêtent pas aux portes de Paris. Si j’ai écrit à Claude Évin, c’est pour redire que l’offre strictement publique reste ma préoccupation essentielle. Et il semble qu’elle ne soit pas garantie en dehors de Paris pour le cas particulier de la chirurgie cardiaque. De plus l’équilibre hospitalo-universitaire d’un CHU comme Henri Mondor reste fragile et il ne faudrait pas que ce choix déstabilise un ensemble de grande renommée.
Quel sort faut-il réserver à l’hôpital Trousseau ? À l’Hôtel-Dieu ?
Ce sont deux grands centres hospitaliers parisiens dont la qualité et l’utilité ne sont ni à prouver, ni à remettre en cause. Ils présentent certes des problèmes de vétusté et d’indispensable remise aux normes mais les décisions de restructuration doivent s’élaborer en concertation avec l’ensemble des personnels dans le cadre de projets médicaux cohérents et permettant d’aller de l’avant. Et ce que je vois c’est, au contraire, un arrêt des processus de concertation avec une sensation de flottement étrange pour les personnels et les patients. C’est pour cela que j’ai écrit, avec Jean-Paul Huchon, au président de la République afin de relancer la réflexion déjà engagée sur Trousseau. Cet hôpital pédiatrique de renommée internationale doit faire l’objet d’un positionnement stratégique, partagé avec l’ensemble de la communauté pédiatrique de l’AP-HP. Je continuerai à me mobiliser pour que Trousseau conserve tous les moyens nécessaires à l’exercice de la pédiatrie spécialisée. Nous devons nous préoccuper de la santé des enfants et adolescents de Paris et d’Île-de-France. Et c’est également pour cela que j’ai écrit à Mireille Faugère afin que le projet de restructuration de l’Hôtel-Dieu corresponde aux préfigurations antérieures et consensuelles associant une médecine ambulatoire et des urgences dignes de ce nom avec un projet novateur d’hôpital universitaire de santé publique. L’exigence d’une offre de soins publique moderne et de qualité reste ma préoccupation permanente.
Plus largement, que pensez-vous des restructurations en cours au sein de l’AP-HP ? Ne sont-elles pas indispensables pour assurer un retour à l’équilibre financier ?
Je ne suis pas du tout contre le principe des restructurations si elles veulent dire modernisation, amélioration de la qualité et du service rendu aux patients, innovation, en un mot effort pour développer l’excellence scientifique et humaine de l’AP-HP. Je ne suis pas contre l’effort de rationalisation et de réorganisation. Par contre, je refuse le diktat de l’équilibre budgétaire de l’AP-HP en 2012 voulu par le président Sarkozy car il entraîne des retards massifs à l’investissement, des suppressions d’emplois, seule variable réelle d’ajustement, des décisions dures et non comprises. La santé est un bien précieux qui peut se dégrader très vite.
La mairie de Paris a perdu la présidence du conseil de surveillance de l’AP-HP. Est-ce que cela a eu un impact sur la gouvernance du CHU ?
Le gouvernement a utilisé tous les moyens en sa possession pour nous faire perdre cette présidence. Les élus ont été mis de côté et, de fait, ce sont les Parisiens qui ne sont plus représentés par leur maire... Alors qu’en est-il de la nouvelle gouvernance ? Nos élus sont bien sûr présents au conseil de surveillance et défendent de façon permanente et vigoureuse tout ce qui leur paraît relever de l’intérêt du système santé public.
L’ARS d’Ile-de-France veut diminuer le nombre de lignes de garde dans la région. Y êtes-vous favorable ?
Je ne suis pas opposé au principe d’une réorganisation mais de quelle réorganisation parlons-nous ? Les urgences hospitalières et les gardes spécialisées doivent s’inscrire dans une répartition territoriale répondant aux besoins des Franciliens et non pas à des principes exclusivement économiques. L’accès doit être possible pour tous, les doublons doivent être évités mais l’efficacité doit s’allier à la proximité et je fais confiance aux avis des professionnels. Pour toutes ces questions, la confiance entre les patients, les médecins, l’ensemble du personnel et l’administration doit être de mise.
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