Très attendu, le rapport de l'IGAS sur l'évaluation de la généralisation du tiers payant a été dévoilé en début de semaine. La mission a travaillé de mi-juillet à octobre 2017, auditionnant des acteurs techniques et des professionnels de santé (pharmaciens, centres de santé, infirmiers, médecins et chirurgiens-dentistes). Agnès Buzyn s'est appuyée sur ce rapport sévère pour justifier son changement de cap.
Des pratiques très disparates
Le rapport dresse un état des lieux précis des pratiques, qui éclaire sur la difficulté de généralisation. Chez les médecins, la pratique du tiers payant gérée par l'assurance-maladie obligatoire (part AMO) se cantonne aux cas d'obligation légale pour les CMU-C, ACS, ALD, femmes enceintes ; alors que le tiers payant intégral (AMO et part complémentaire) reste très faible (7 % des actes pour les généralistes). La situation est très différente chez les pharmaciens (93 % des actes en tiers payant intégral, mais avec un recours à des intermédiaires de gestion), et même chez les infirmiers et centres de santé (45 à 75 % des actes en tiers payant intégral).
Sécu et complémentaires : pas la même qualité !
Autant le tiers payant actuel en part AMO est « considéré comme satisfaisant dans son fonctionnement technique », autant le tiers payant intégral se révèle « complexe ». « Les outils techniques ne sont pas encore opérationnels », peut-on lire. Les raisons sont multiples : la gouvernance unifiée du tiers payant pour la part Sécu, sous l'égide de l'UNCAM, facilite la coordination et s'appuie sur une norme unique, la carte Vitale. À l’inverse, le tiers payant complémentaire, sous la houlette de l'association inter-AMC, aboutit à des pratiques « très variées selon les organismes (supports de droits distincts, nombre élevé d'acteurs dans un environnement concurrentiel, hétérogénéité des systèmes d'information) ».
Généralisation illusoire en décembre
Certes, « le processus du tiers payant AMO est globalement rapide, fiable et simple », dès lors que la facturation est sécurisée par la carte Vitale (85 % des flux de facturation). Les rejets sont limités à 1 % (soit un dossier par semaine pour un généraliste) et les délais de paiement se font sous quatre jours dans 90 % des cas. Malgré tout, il reste illusoire d'imaginer que la généralisation est possible dans les délais fixés par la loi (30 novembre), même pour la part Sécu, explique l'IGAS. L'obligation est « irréaliste compte tenu des délais très resserrés ». Au-delà du volet technique, le principal frein à l'extension du tiers payant tient « à une confiance encore trop fragile des professionnels de santé », lit-on.
Si le TPG est impossible au 30 novembre, le rapport considère qu'une généralisation est un objectif « techniquement réalisable » en part AMO à brève échéance, c'est-à-dire d'ici à fin 2018, mais « sous réserve que soit mis en œuvre un accompagnement renforcé des professionnels de santé » (centre de service interrégimes, conseillers informatiques).
TP complémentaire, tout reste à faire
La situation est beaucoup plus sombre pour la part complémentaire (rendue facultative par le Conseil constitutionnel). « Les freins techniques demeurent à une pratique simple, rapide et fiable du tiers payant ». La difficulté principale ? L'identification des droits qui nécessite une saisie complexe des données et aboutit, du coup, à un taux de rejets élevés. Manque aussi une « harmonisation des pratiques de facturation » et un « accompagnement unifié » qui sont « en grande partie à construire ».
Il faudra aussi une reprise du dialogue entre l'association inter-AMC et les éditeurs de logiciels, prévient l'IGAS. Du coup, le calendrier de déploiement du TP complémentaire chez les médecins est... « incertain » car les outils ne répondent pas à leurs attentes, cingle l'IGAS qui suggère des incitations financières. Bref, la généralisation du tiers payant intégral n'est un objectif atteignable techniquement que pour certaines professions de santé (centres de santé, auxiliaires, voire radiologues) et encore pas avant 2019…
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