25es rencontres du GEIG sur la grippe et sa prévention

Comment rétablir la confiance des soignants dans la vaccination

Publié le 02/11/2012
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Crédit photo : S. TOUBON

« La France connaît actuellement une crise de confiance de ses personnels soignants vis-à-vis de la vaccination antigrippale », a constaté le Dr Olivier Robert, membre du conseil scientifique du Groupe d’expertise et d’information sur la grippe (GEIG) lors des 25e rencontres sur la grippe et sa prévention organisées la semaine dernière à Paris. « En 2011, 25 % des personnels de santé ont été vaccinés, dont 4 % pour la première fois. Mais 24 % des soignants déjà vaccinés dans le passé ont abandonné la vaccination, et 51 % des professionnels de santé ne l’ont jamais été », souligne-t-il.

Pour expliquer les réticences des professionnels à la vaccination antigrippale, ce médecin du personnel à l’hôpital Édouard Herriot (Hospices civils de Lyon) évoque le champ des peurs des soignants : crainte de la piqûre, des effets secondaires, un vaccin « trop récent », doutes sur son efficacité, sur la sécurité du produit, voire crainte d’inoculation de la maladie elle-même ... L’appréciation du risque est propre à chacun et diffère souvent de celle des experts. Ce refus de vaccination des personnels de soin n’est pas sans conséquence pour les patients. « La transmission nosocomiale de la grippe a été mise en évidence dans des services de longs séjours et plus rarement dans les services de court séjour, qu’il s’agisse de la souche virale saisonnière ou pandémique », rappelle le Dr Philippe Vanhems (service d’hygiène, épidémiologie et prévention à l’hôpital Édouard Herriot).

Un risque multiplié par 2

Depuis 2004, une surveillance ciblée de la grippe nosocomiale a été mise en place dans son établissement. Ainsi pour la seule période 2004-2005, le Dr Vanhems fait état 69 cas de grippe confirmés dont 16 cas nosocomiaux chez les patients et 37 cas de grippe et 12 cas d’origine nosocomiale chez les soignants. Au sein de cet hôpital construit en organisation pavillonnaire, l’incidence de la grippe s’est avérée très hétérogène selon les services. Dans certaines unités, le risque s’est révélé égal ou inférieur à celui observé dans la communauté. Dans d’autres comme le service de gériatrie, le risque était 5 à 15 fois plus important. Une analyse sur trois ans réalisée sur 21 000 patients et 2 000 soignants concluent à un risque multiplié par 2 pour les patients hospitalisés en pic épidémique de grippe par rapport à des patients qui resteraient chez eux. Si le patient est exposé à un soignant contagieux, le risque est multiplié par 5 ; par 18 si le patient est exposé à un autre patient contagieux et de 46 si le patient est exposé à un patient et un soignant contagieux, résume le Dr Vanhems.

Difficile néanmoins d’évaluer l’impact de la non-vaccination des soignants sur la grippe nosocomiale. Sur la base d’une étude observationnelle pilote de faible envergure incluant 11 cas de grippe et 44 cas témoins, « les services pour lesquels nous avons observé moins de 35 % de personnel vaccinés présentent un nombre de cas statistiquement supérieur au nombre de cas observés lorsque plus de 35 % des personnels soignants étaient vaccinés », constate le Dr Vanhems. « Ce travail a été effectué sur un échantillon limité, ce qui nécessite de conduire des investigations similaires à plus grande échelle afin de confirmer le rôle protecteur de la vaccination des soignants, associé aux mesures d’hygiène appropriées, sur le risque de grippe nosocomiale chez les malades », conclut-il.

Communication engageante

Pour rétablir la confiance nécessaire des soignants dans la vaccination antigrippale, « l’information est nécessaire mais doit être adaptée » de manière « originale, argumentée, percutante, responsabilisante sans être culpabilisante », insiste le Dr Robert. « Les approches préventives doivent sortir du champ strict de l’information et tenir compte des peurs des croyances et des désirs », poursuit-il.

Une nouvelle stratégie d’adhésion à la vaccination antigrippale pourrait se développer à l’avenir dans les établissements autour du concept de « communication engageante », mis au point par les Pr Fabien Girandola et Robert Vincent Joule (laboratoire de psychologie sociale de l’université d’Aix en Provence).

Les méthodes de « communication engageante » doivent permettre en théorie de « conduire l’individu ou le groupe à réaliser un acte engageant préparatoire et d’exposer ce groupe à une argumentation persuasive allant dans le même sens que l’acte réalisé », résume le Pr Élisabeth Bouvet (service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat – Paris).

Pour mesurer l’impact d’une intervention engageante sur la vaccination antigrippale, une enquête a été mise en place cette année sur les freins à la vaccination antigrippale chez le personnel infirmier en milieu hospitalier, en faisant intervenir l’équipe du Pr Girandola. La démarche se décline en trois phases : des entretiens individuels de 8 personnels infirmiers identifiés comme « réticents à la vaccination » ; la participation de ces personnes à une formation sur l’analyse des freins à la vaccination de leurs collègues visant à leur fournir des outils pour devenir des relais de vaccination dans leur établissement ; l’élaboration d’une stratégie de campagne vaccinale contre la grippe dans l’établissement par les personnels infirmiers « relais de vaccination ». Les résultats de cette expérimentation doivent être communiqués au cours du premier semestre 2013, indique le Pr Bouvet.

 DAVID BILHAUT

Source : lequotidiendumedecin.fr