« Lorsque nous pensons au cerveau âgé, nous avons tendance à penser à la neurodégénérescence. Néanmoins un autre scénario peut expliquer pourquoi le cerveau âgé ne fonctionne pas bien : le brouillard lié à l’inflammation ».
Cette nouvelle hypothèse est soutenue par la Pr Daniela Kaufer, de l’université de Berkeley aux États-Unis, qui a dirigé avec le Pr Alon Friedman, de l’université Ben Gourion du Néguev en Israël, deux études complémentaires publiées dans Science Translational Medicine.
« Lorsque ce brouillard inflammatoire est supprimé, le cerveau âgé fonctionne comme un jeune cerveau en l’espace de quelques jours, s’enthousiasme la chercheuse. C’est vraiment une découverte optimiste de constater cette capacité de plasticité dans le cerveau. Nous pouvons inverser le vieillissement du cerveau ».
Un mécanisme lié à la pathologie microvasculaire
Pour le neurochercheur Alon Friedman, « deux points sont importants, précise-t-il au « Quotidien ». Nous avons découvert un mécanisme de déficit cognitif dû à la pathologie microvasculaire : le signal TGF-bêta activé par une rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Et nous avons développé de nouvelles méthodes de diagnostic applicables en clinique (IRM de contraste et EEG) qui permettent d’identifier les patients présentant une pathologie microvasculaire. L’objectif serait donc d’identifier les patients atteints de troubles cognitifs qui présentent une rupture de la BHE et de les traiter avec des antagonistes du TGF-bêta, de manière à offrir une médecine personnalisée ».
La BHE, constituée de cellules endothéliales, de péricytes et d'astrocytes, sépare la circulation sanguine du système nerveux central et empêche la plupart des éléments sanguins d’entrer dans le cerveau. Kaufer et Friedman étudient depuis 15 ans cette BHE. Leurs précédents travaux ont suggéré que dans divers types de lésions cérébrales (traumatisme, épilepsie), une rupture de la BHE permet à des protéines, en particulier l’albumine, de pénétrer dans le cerveau.
L’albumine active les récepteurs TGF-bêta sur les astrocytes, qui libèrent alors des cytokines. Cette cascade inflammatoire provoque une hyperexcitabilité et une dysfonction neuronale, associées à des troubles cognitifs. Chez la souris, le blocage du récepteur par l’antihypertenseur losartan permet de prévenir l’épilepsie survenant après traumatisme cérébral.
L'albumine active une voie de signalisation
Un mécanisme similaire pourrait-il être en cause dans les troubles cognitifs liés à l’age et aux crises épileptiques silencieuses observées dès le début de la maladie d’Alzheimer ? Kaufer et Friedman ont découvert que de l’albumine apparaît dans l’hippocampe des souris dès l’âge de 12 mois, ce qui équivaut à la quarantaine chez l’homme. L’albumine se fixe aux récepteurs TGF-bêta sur les astrocytes, activant la voie TGF-bêta, ce qui entraîne une hyperexcitabilité et une dysfonction neuronale.
À l'aide de l’IRM dynamique de contraste, l’équipe a mis en évidence chez 113 volontaires humains (21 à 83 ans) que la BHE est généralement intacte avant l’âge de 40 ans puis elle devient perméable avec l’âge. Une rupture de la BHE est observée chez la moitié des sujets âgés de plus de 60 ans (n = 28), et chez 60 % des plus de 70 ans. En comparant les biopsies hippocampiques post-mortem de personnes jeunes et âgées, l’équipe a constaté la présence d’albumine et l'activation du signal TGF-bêta dans le cerveau des personnes âgées.
Des antagonistes du signal TGF-bêta
L’injection d’albumine dans le cerveau des jeunes souris - cette manipulation simulant la rupture de la BHE- est suffisante pour causer un phénotype de cerveau âgé, incluant des « ondes lentes paroxystiques » détectées par électrocorticographie, une vulnérabilité à l’épilepsie (48 h après) et un déficit cognitif (une semaine après).
Inversement et de façon prometteuse, chez les souris âgées, une semaine de traitement par un antagoniste du signal TGF-bêta - appelé IPW, un inhibiteur du TGF-bêta-R1-kinase, injecté en intrapéritonéal - permet de réduire l’inflammation, les ondes lentes paroxystiques et la vulnérabilité à l’épilepsie restaurant ainsi une cognition aussi bonne que celle de jeunes souris.
Kaufer, Friedman et le chimiste Barry Hart (Palo Alto, États-Unis) ont fondé la compagnie Mend Therapeutics afin de développer l’IPW pour traiter les troubles liés à la BHE. « L’IPW est encore au stade préclinique. Nous espérons commencer des essais cliniques dans les prochaines années », confie au « Quotidien » le Pr Friedman.
Senatorov V et al, Milikovsky et al, Sci Trans Med, 10.1126/scitranslmed.aaw8283, 2019
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation
Manger du poisson ralentit la progression de la sclérose en plaques