L’anecdote est rapportée par le chef de service d’une unité de soins de longue durée, USLD, d’un CHU. Une aide-soignante, dont il dit qu’elle fait un excellent travail auprès des personnes âgées, lui annonce : « S’ils rendent la vaccination obligatoire, je suis prête à payer pour avoir un faux certificat de vaccination ».
Cette réaction paraîtra sans doute excessive et pas représentative, mais elle reflète cependant une cruelle réalité. Les sondages et les rares évaluations indiquent qu’à peine un tiers des soignants est vacciné, avec 40 % chez les médecins, et environ 17 % seulement dans le personnel infirmier et aide-soignant.
Comment justifier une telle méfiance et un tel désamour des vaccins ? Pourquoi la dimension pastorienne a-t-elle disparu ? En fait, il n’y a là rien de nouveau et il suffit de regarder ce qui se passe chaque année avec le vaccin contre la grippe saisonnière, largement négligé lui aussi par les blouses blanches.
Le « miracle » vaccinal, cette pratique qui a eu raison de la variole, de la polio – même s’il y a des résurgences — de nombreuses maladies infantiles, de la rubéole congénitale, a perdu énormément de son aura, même dans le monde de la santé.
Il y a eu d’abord la polémique liée à la vaccination contre l’hépatite B. Les moins jeunes d’entre nous se souviennent sans doute des dégâts en milieu hospitalier de cette affection virale, dans sa forme fulminante. Plusieurs dizaines de morts annuels dans le personnel médical, quasiment tous les patients en dialyse finissant par être porteurs du virus. La vaccination, initiée par le Pr Philippe Maupas, disparu il y a 40 ans, a changé la donne.
Puis une campagne maladroite de vaccination de masse a propagé l’idée que cette vaccination était liée à la survenue de cas de sclérose en plaques, ce qu’aucune étude épidémiologique bien construite, n’a démontré. Mais le mal était fait. Aujourd’hui ce vaccin est obligatoire pour les études de santé et il ne pose plus de problème.
Puis vint 2009 et la pandémie liée au virus grippal H1N1.Les « vaccinodromes », l’exclusion des médecins généralistes de la vaccination, la soudaine campagne contre les adjuvants et quelques cas de narcolepsie associés à un vaccin entamèrent à nouveau la confiance dans les vaccins. On voyait des reportages dans lesquels des gens en blouse blanche, dont on ignorait la qualification, disaient leur hostilité au vaccin. Et assez souvent, ces « blouses blanches » n’étaient pas directement impliquées dans le soin.
Le (bon) exemple israélien
Que faut-il donc faire aujourd’hui ? Rendre obligatoire la vaccination pour les professions de santé ? A priori, cela peut paraître logique mais ce n’est sûrement pas la solution.
En Israël, qui est devenu le meilleur modèle en vie réelle de la gestion de la crise, 80 % des personnels sont vaccinés et le vaccin n’est pas obligatoire. Le Pr Ran Balicer, en charge de la vaccination de l’Etat hébreu, expliquait récemment que le travail d’information était fait sans relâche. « Si vous ne savez pas, conseille t-il, dites : je ne sais pas. Ne répondez pas : fais-moi confiance ». Et il faut revenir avec les explications quand on les a obtenues.
Ce qui s’est passé autour du vaccin AstraZeneca est un bon exemple de cette nécessité de dialogue. Alors que les essais cliniques n’avaient pas inclus assez de personnes de plus de 55 ans, on en est arrivé à dire « chez les 65 ans+, ce vaccin ne marche pas ». On ne savait pas, ce n’est pas pareil que de dire qu’il n’était pas efficace. Et, depuis, on a montré qu’il fonctionne aussi bien que d’autres.
On a instillé dans certains esprits qu’on leur proposait le second choix, les restes.
Maintenant il faut convaincre. Comment accepter qu’on vaccine les pensionnaires des EHPAD et que le personnel ne soit pas immunisé ? Il y a un devoir, une éthique qu’il faut rappeler.
Et pour regarder encore ce qui se passe en Israël, le célèbre hôpital Hadassah de Jérusalem a décidé que tout soignant non vacciné, quelle que soit sa fonction, serait versé vers des tâches administratives sans aucun contact avec les patients.
Pas évident à imaginer dans des services et établissements qui manquent de personnel, mais après tout, pourquoi ne pas tenter le coup ? Payer un(e) intérimaire coûte moins cher qu’un patient en réanimation pour une Covid-19 contractée à l’hôpital ou dans un EHPAD. Sans oublier les frais d’avocat.
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