DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LES DONNÉES épidémiologiques sont éloquentes : 50 000 personnes séropositives sont dans l’ignorance de leur statut et ce réservoir est une des causes de la persistance de l’épidémie ; 7 000 nouveaux cas sont déclarés chaque année, un taux est à peu près stable depuis 3 ans. De plus, l’incidence de l’infection à VIH repart à la hausse dans les milieux homosexuels. Nous sommes bien ici au cœur du défi des années à venir : amélioration de la politique de dépistage, traitement plus précoce pour optimiser la prévention. En effet, en dessous d’une certaine charge virale les risques de contamination sont considérablement réduits. Le XIe congrès de la Société Française de Lutte contre le Sida de Bordeaux a été l’occasion de faire le point alors que le tout nouveau plan de lutte contre le sida et les IST était lancé sur le site du ministère de la Santé.
« La triade Abstinence, Fidélité, Préservatif ne marche plus très bien. Le discours a été jusqu’ici que le risque est le même pour tout le monde, par souci de ne pas stigmatiser. On doit aujourd’hui changer ce dogme de l’universalisme et s’adapter aux obstacles qui existent », a souligné Bruno Spire, président de AIDES à propos des politiques de prévention jusqu’ici préconisées. Le dépistage communautaire basé sur les tests rapides (résultat dans les 30 minutes) et effectué hors les murs par des « pairs », va dans ce sens. La posture des acteurs soignants qui sont dans une logique rationnelle, souvent involontaire d’ailleurs, est en effet un frein au dépistage dans les communautés homosexuelles.
Pierre Marie Girard de Hôpital Saint Antoine a rappelé que le dépistage tardif ou présentation tardive (personnes présentant lors de la découverte de leur séropositivité un taux de CD4 inférieur à 350 ou un événement classant SIDA) augmente le risque de décès par cancer ou par infections opportunistes et majore le risque de transmission. Ce qui pose la question des opportunités manquées. Peu de données existent sur le sujet. Toutefois, une récente étude effectuée à Londres auprès de 200 patients d’origine africaine montrait que la plupart avait déjà consulté un médecin ou avait été hospitalisée sans que le test n’ait été proposé et réalisé. À Lille une enquête française est en cours.
Une feuille de route.
Dépistage et prévention sont précisément au cœur du plan SIDA 2010-2014. Le Dr Denis Lacoste Président Honoraire de la SFLS s’en réjouit : « Ce plan semble consensuel pour tout le monde y compris pour les associations. Associé au Rapport Yéni nous avons là une feuille de route pour le dépistage et la prise en charge. Mais la grande question qui se pose c’est son applicabilité et les moyens qui seront mis en œuvre. Nous sommes en effet dans une période de réduction des budgets de prévention or ce plan comporte beaucoup de prévention ». D’autre part « ce plan devra être décliné en régions et tout dépendra de l’implication des ARS (Agence Régionale de Santé). Les COREVIH (comité régional de coordination de la lutte contre le VIH) en tant qu’interlocuteurs des ARS seront les promoteurs du Plan ».
Quant au Dr Jean François Dailloux médecin généraliste et coordinateur du Réseau Ville Hôpital 37 voit dans l’incitation du ministère au dépistage au moins une fois dans la vie une chance pour les médecins : « les généralistes sont lassés de proposer le dépistage, ils n’osent plus le faire. Cette consigne ministérielle va les aider, elle les mettra plus à l’aise ». Il précise « mais la difficulté sera de les mobiliser. En Indre et Loire on envisage de leur adresser un courrier et d’organiser des rencontres avec eux ».
Quant au rôle des médecins au sein des réseaux ville-hôpital et à la prise en charge ambulatoire prévus dans le plan, la table ronde du Congrès de Bordeaux a montré, à travers différentes expériences locales, une grande disparité entre les régions. Tout dépend du lieu géographique, de l’importance de la file active (nombre de personnes suivies) et de la personnalité des acteurs impliqués. Le Dr Éric Billaud, nouveau président de la SFLS, conclut sur « la nécessité d’évaluer ces différentes prises en charge et de ne pas se précipiter dans quelque chose de très directif ». « La qualité des soins doit être maintenue quel que soit le système mis en place, d’où l’importance de la formation. La qualité doit être homogène avec une offre de soutien psycho-social et une aide à l’éducation thérapeutique », ajoute-t-il. Il met aussi en garde contre le danger qui peut peser sur la recherche clinique si tous les patients étaient externalisés et sur la nécessité des recherches sociologiques.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes