Ce sera l’une des 16 « guerrières » de ce gouvernement de combat. Le numéro 7 du gouvernement Valls. Marisol Touraine est reconduite aux Affaires sociales, un portefeuille au large périmètre, qui ne devrait pas la couper des réformes qu’elle pilote depuis deux ans, puisqu’elle conserverait également la Santé (même si l’intitulé ne figure pas officiellement dans la liste officielle, une première !).
Ceux qui la donnaient partante de la Santé, éventuelle carte de recours à la Défense, se sont fourvoyés. Un secrétaire d’État ou ministre délégué viendra peut-être l’épauler, que l’on imagine mal tourner le dos à sa stratégie nationale de santé. Une stratégie qu’elle a présentée au monde ces jours-ci, non sans fierté, dans les colonnes du « Lancet ».
En demi-teinte
Fallait-il garder Marisol Touraine ? Le pari est osé, avec une cote de popularité effritée dans le corps médical. Nombre de médecins, sans affection aucune, la surnomment volontiers « MST » : ils étaient 74 % d’insatisfaits mi-mars, selon un sondage du « Quotidien ».
La méthode Touraine divise. Beaucoup de missions, de groupes de travail, de forums régionaux (200 autour de la stratégie nationale de santé)... Pour l’instant, le pacte avec l’hôpital a échoué à restaurer la confiance. Les directeurs d’établissement, principaux appuis du gouvernement dans la conduite du changement, se sentent peu écoutés.
Le pacte territoire santé contre les déserts médicaux, avec davantage de succès, attire des généralistes en zone rurale - mais en nombre insuffisant. Un sentiment prédomine, celui d’un immobilisme voué à gagner du temps, faute de cap clair.
Les patients, eux, attendaient sans doute davantage en matière d’accès aux soins. La lutte contre les dépassements d’honoraires n’a que très partiellement abouti, avec le contrat d’accès aux soins de modération tarifaire. Le rapport Laurent sur le secteur privé à l’hôpital public a accouché d’une souris.
Ceux, parmi les professionnels de santé, qui tablaient sur une rupture franche avec la loi HPST, en sont pour leurs frais. Les agences régionales de santé (ARS) restent les maîtres d’œuvre en région de la politique de santé.
Feuille de route
À sa prise de fonctions, en mai 2012, la normalienne était précédée d’une réputation de bosseuse, brillante, compétente. Côté pile. « Techno », cassante et froide, côté face. Vingt-trois mois plus tard, le secteur lui reconnaît les mêmes qualités et les mêmes défauts mais Touraine arbore une assurance inébranlable.
Son bilan, elle le défend avec conviction. Les principaux leaders du monde de la santé ne demandaient d’ailleurs pas sa tête. « Changer de ministre nous ferait perdre un an et demi », déclarait le Dr Claude Leicher, président de Mg France, au « Quotidien » le 20 mars. De même, malgré l’impression que les cliniques ont été dénigrées, le président de la Fédération de l’hospitalisation privée, Jean-Loup Durousset, ne souhaitait pas son départ.
Sa feuille de route sera toute tracée : faire voter la stratégie nationale de santé par le Parlement, puis la mettre en musique, sans heurt ni fracas. Pas de grand bouleversement, mais sans doute une réforme pas à pas, pour décloisonner le système, développer la prévention, faire travailler les professionnels en équipe.
La méthode Touraine n’a peut-être pas convaincu tout le monde. Mais elle a encore de beaux jours.
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