« LA PEINE DE MORT existe toujours en France, des malades meurent en prison. » C’est en ces termes choc que s’indignent Ban public et Act Up, membre fondateur du pôle interassociatif « Suspension de peine », créé pour promouvoir une application effective et égalitaire du dispositif mis en place par la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002 (loi Kouchner) et intégré au Code de procédure pénale. Selon la loi, « une suspension de peine peut être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi (après deux expertises médicales distinctes) qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. »
Trop peu de demandes accordées.
Or, dénoncent les associations, cette procédure de suspension de peine n’est pas souvent appliquée. Le dernier cas qu’elles citent est celui d’un homme de 56 ans atteint d’une pathologie cardiaque grave, pour laquelle il bénéficie d’une hospitalisation en Unité hospitalière sécurisé interrégionale (UHSI). En dépit de deux expertises médicales concordantes, concluant à l’incompatibilité de son état de santé avec la détention, le juge d’application des peines a rejeté la demande de suspension, considérant que « le pronostic vital » du patient restait préoccupant mais n’était pas « engagé dans des circonstances d’urgence ».
Ce cas particulier « n’est malheureusement pas unique dans les prisons françaises », soulignent les associations. « On voit régulièrement des condamnés qui décèdent de longue maladie en détention. Les personnes en détention provisoire ne peuvent pas bénéficier d’une suspension de peine », confirme François Bès, de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP). En 2008, sur 89 demandes de suspension de peine, 25 ont été refusés (28 %), pour 64 acceptations. En 2004, 156 suspensions de peine avaient été accordées, un nombre « dérisoire », avait alors jugé Act-up, au regard des multiples situations dramatiques. « D’nnée en année, la loi s’est considérablement durcie, observe François Bès. Petit à petit, de plus en plus de restrictions ont freiné l’application de cette loi qui se voulait humanitaire et sans condition et qui affirmait qu’à un moment, ce qui doit prévaloir, c’est le statut de malade ou de handicapé ».
Dérive d’une procédure.
Les freins à la procédure, Étienne Noel, avocat à Rouen, les connaît, lui qui compte régulièrement dans sa clientèle 6 ou 7 patients en attente d’une suspension de peine, « en général des personnes âgées de plus 55-60 ans, malades et dépendantes ». En juin dernier, dans un article écrit « pour déverser son amertume » après le décès de l’un d’entre eux, Justin, 77 ans, « en phase terminale » au Centre de détention de Liancourt (Oise), il avait déjà mis en cause les complexités de la procédure. Selon lui, « il existe dans certaines régions un vrai problème de l’expertise. Très souvent les experts désignés par le juge d’application des peines ne sont pas les spécialistes de la maladie ou méconnaissent les conditions de vie réelles en prison. » La présence des UCSA (Unités de consultations et de soins ambulatoires) au sein des établissements pénitentiaires ou l’existence d’une UHSI conduisent certains « à estimer à tort que les détenus peuvent être soignés ». Étienne Noel y voit une dérive : ainsi, certains experts peuvent estimer que « l’état de santé d’un détenu est incompatible avec une détention ordinaire mais que ce dernier peut parfaitement être détenu dans une UHSI. Personne n’a vocation à être détenu dans une USHI. C’est un hôpital, certes sécurisé, mais les patients n’y font que des séjours. Il n’existe pas d’hôpital-prison, fort heureusement, au sein desquels les gens pourraient être détenus au long cours. »
Le manque de place d’hébergement – les foyers de réinsertion acceptent les personnes jusqu’à 60 ans et les maisons de retraite médicalisées refusent ce type de patients – reste aussi un obstacle important qui peut pousser le juge d’application des peines à refuser une demande de suspension de peine même si les critères sont réunis.
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