La politique vaccinale a « laissé de côté une fraction importante des plus fragiles », alerte dans une note le nouveau collectif « Nos services publics », qui milite contre les dysfonctionnements institutionnalisés des administrations. Les données récentes montrent que les taux de primo-vaccinations des 65-74 ans en Seine-Saint-Denis ou dans les Bouches-du-Rhône étaient près de 10 % inférieurs à la moyenne nationale.
Le collectif constate que le taux de couverture moyen (une injection) était de 76 % chez les plus de 80 ans fin mai (contre 86 % chez les 75-79 ans), soit une personne sur quatre non vaccinée. Ce « plafonnement » de la couverture vaccinale (autour de 75 à 85 % de la population) s’ajoute au ralentissement « inquiétant » de la vaccination des 75 ans et plus : 1,3 million de vaccinations en mars, 500 000 en avril, 200 000 en mai, soit une baisse des nouvelles injections de 60 % par mois. Prolonger ce rythme reviendrait donc « à ne vacciner que 80 % de cette tranche d’âge, et donc à laisser tout à fait de côté une personne âgée sur cinq », analyse « Nos services publics ».
Rigidité du pilotage
Selon eux, paradoxalement, la volonté de miser sur une couverture rapide et massive a conduit à « négliger la question des inégalités d’accès à la vaccination par une absence explicite de priorisation sociale ». Et ce, malgré « l’importance des facteurs de fragilité sociale, notamment dans le risque d’hospitalisation de forme grave de Covid-19 et le taux de mortalité ».
Certes, des actions correctrices ont été mises en place au niveau local et national. À travers l'opération « Aller vers », l'Assurance-maladie s'est mobilisée pour contacter les personnes non vaccinées à partir de 65 ans. Toutefois, ces actions seraient « restées de faible ampleur et avec des résultats incertains », laissant la lutte contre les inégalités aux mains des acteurs locaux.
De surcroît, les marges de manœuvre des acteurs opérationnels ont été réduites en raison de la « rigidité du pilotage de la campagne vaccinale », estime le collectif. En cause : le système d’écoulement des doses « à flux tendus » qui aurait poussé les institutions à « mobiliser des dispositifs de vaccination figés, peu accessibles aux populations les moins mobiles ».
Fracture numérique
Le collectif prend l’exemple des plateformes de prise de rendez-vous en ligne habilitées (Doctolib, Maiia et Keldoc) qui ont, de fait, « profité aux personnes les plus autonomes » et « constitué un obstacle d’accès à la vaccination pour celles les moins éduquées au numérique et à la santé ».
Des inégalités qui auraient pu être réduites si cet outil numérique n’avait pas été « imposé par le gouvernement à tous les centres de vaccination », estime la note. Le collectif précise que certains représentants de l’État enjoignaient, en février dernier, au moment où les doses manquaient le plus, les centres de vaccination à mettre en ligne 70 % des rendez-vous disponibles, à l’image du préfet de Seine-Saint-Denis. Si bien que les responsables de 17 centres s’étaient activés pour « contrer la fracture numérique et sociale liée à « l’effet Doctolib » », expliquait « Libération ».
Doctolib tout puissant ?
Par ailleurs, le collectif « Nos services publics » considère que le recours à ces plateformes a contribué à « fragiliser les relations entre acteurs publics, Doctolib étant chargé au détriment des institutions de faire remonter un maximum de données à l’État ». Et de critiquer « l’opacité sur les données de santé disponibles et les moyens d’y accéder » qui aurait complexifié le pilotage local de la campagne, « là où la prise en compte des inégalités aurait nécessité de faire le choix d’une ouverture large des données ».
Cette hypercentralisation a fait obstacle à l’émergence d’une réelle politique « d’aller vers », conclut le collectif, convaincu que les acteurs locaux sont les plus à même d’« aller chercher » les personnes les plus éloignées de la vaccination. Il appelle de ses vœux « un changement radical de méthode », la construction d’une « véritable politique de santé publique à visée sociale », mais aussi davantage de marge d’autonomie pour les acteurs de terrain.
Inflation des consignes
Le collectif n'est pas tendre enfin sur la communication ministérielle et présidentielle, qui n'aurait pas été vecteur de confiance. À plusieurs occasions, peut-on lire, « le volet partisan de la communication vaccinale a pu apparaître comme prenant le pas sur les impératifs de santé publique. L’inflation des consignes – plusieurs centaines d’instructions par mail, messages (MINSANTE, DGS-Urgent) et circulaires sur la vaccination depuis décembre 2020 – a conduit à des réorganisations constantes faisant parfois perdre de vue l’objectif final et diminuant l’effectivité des résultats escomptés ».
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