En décembre 2015, les premiers cas évocateurs de Zika ont été identifiés en Martinique puis début janvier en Guadeloupe et en Guyane. La première quinzaine de mars 2016, près de 11 000 cas étaient cliniquement évocateurs en Martinique, 717 en Guadeloupe dont 77 ont été confirmés biologiquement (2 concernaient des femmes enceintes et une forme neurologique) et plus de 1 800 cas évocateurs en Guyane dont 142 confirmés biologiquement. On parle donc d'épidémie établie en Martinique et en Guyane et de circulation virale active en Guadeloupe.
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN. Comment s'est manifesté le premier cas en Guadeloupe ?
BRUNO HOEN. Il a été observé début janvier. Il se présentait sous la forme du tableau classique éruption-fébricule-arthralgies. Nous n'avons pas diagnostiqué de syndrome de Guillain-Barré ni de tableau neurologique, ni de microcéphalie. En revanche, en Martinique, l’infection a été confirmée chez 48 femmes enceintes et chez deux patients atteints de syndrome de Guillain-Barré. Deux autres ont été signalés mais les analyses biologiques de l’infection au virus Zika étaient en cours début mars.
Qu'appelle-t-on cas confirmé ?
C'est un cas suspect chez lequel le génome viral du Zika a été mis en évidence dans le sang ou l’urine par RT-PCR. Mais, étant donné la durée brève de la virémie (quelques jours), un résultat négatif de la PCR n'infirme pas le diagnostic de Zika. On peut aussi retrouver le virus dans les urines une dizaine de jours après l'infection. Pour confirmer une exposition antérieure au virus, il faudrait disposer d'une sérologie fiable et validée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En l'attente, on stocke les sérums.
Qu'en est-il de l'évolution épidémiologique aujourd'hui ?
Le nombre de cas biologiquement confirmés augmente en Guadeloupe, qui est passée au niveau 2 du Psage (Phase épidémique appelant des mesures de gestion habituelles) : « circulation virale autochtone active ».
En Martinique, les indicateurs épidémiologiques de l’infection témoignent de la poursuite de l’épidémie, qui est placée en phase 3a du Psage depuis le 20 janvier 2016 : « épidémie établie ».
Enfin, l’épidémie se poursuit sur les secteurs du littoral guyanais (de St-Laurent-du-Maroni à l’île de Cayenne). Par ailleurs, la circulation du virus Zika a été mise en évidence à Maripa-Soula : la situation épidémiologique du Zika dans cette commune correspond à « une transmission autochtone débutante ».
Comment s'organise la lutte contre l'infection ?
L'organisation sanitaire se concentre essentiellement sur deux axes : la prise en charge des syndromes de Guillain-Barré et celle des femmes enceintes. Concernant le premier point, nous avons évalué les capacités d'accueil (à partir du nombre de cas de Polynésie française pendant l'épidémie, ci-dessous) et nous sommes prêts, en sachant que 20 à 25 % des syndromes de Guillain-Barré nécessitent une assistance respiratoire.
Toute une série de mesures ont été mises en place pour les femmes enceintes. Des messages de prévention destinés au grand public encouragent à se protéger des moustiques de manière réellement efficace. Il est également proposé aux femmes et aux couples de reporter leurs projets de procréation pendant la durée de l'épidémie, aux femmes enceintes d'avoir des rapports sexuels protégés pendant la durée de leur grossesse et d'entrer dans le circuit des consultations prénatales le plus tôt possible après le diagnostic de grossesse.
Les femmes qui développeraient un tableau clinique évocateur de Zika et celles chez qui une embryofœtopathie serait suspectée dans le cadre du suivi échographique de la grossesse (qui passera de 3 à 5 échographies morphologiques) seront prises en charge dans les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (DPN) où elles bénéficieront d'un suivi rapproché avec une échographie mensuelle.
Actuellement, on dispose d'arguments en faveur d'un risque d'embryofœtopathie plus important lorsque l'infection par le virus Zika survient au cours du premier trimestre et lorsqu'elle s'accompagne de manifestations cliniques. Mais de nombreuses inconnues persistent, qui justifient l'activité de recherche clinique qui se met en place actuellement dans les trois départements français d'Amérique.
Comment voyez-vous l'avenir de l'infection aux Antilles-Guyane ?
Nous nous attendons à ce que l'épidémie se déroule selon le modèle polynésien (et celui de la récente épidémie de Chikungunya dans les Antilles) : une épidémie qui durera quelques mois et qui s'arrêtera quand une grande partie de la population aura été touchée.
Entretien avec le Pr Bruno Hoen, CHU de Guadeloupe, hôpital Ricou, service des maladies infectieuses et tropicales, dermatologie et médecine interne
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