Manifestants grièvement blessés à Sainte-Soline : le Samu a-t-il été empêché d’intervenir ?

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Publié le 29/03/2023

Crédit photo : AFP

Deux manifestants blessés lors des violents affrontements samedi à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) étaient encore ce mercredi entre la vie et la mort, en pleine polémique sur le maintien de l'ordre pendant ce rassemblement contre les « mégabassines ».

Dès ce week-end, associations et élus présents ont accusé les forces de l'ordre d'avoir retardé la prise en charge des blessés, ce qu’a réfuté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin affirmant de son côté que « ce sont les gendarmes et les secours qui ont été empêchés d'intervenir par certains casseurs ». Mais cette version vient d’être mise à mal par un enregistrement, publié mardi soir par « Le Monde ».

Plaie cervicale, mâchoire fracassée

Le quotidien a pris connaissance d’une conversation qui s’est tenue entre une équipe de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), présente à proximité de Sainte-Soline en tant qu’observateur, et le Samu des Deux-Sèvres. Dans l'après-midi du samedi, trois avocats et un médecin généraliste suivent l’évolution de la manifestation dans une salle située à une quinzaine de kilomètres.

« Le téléphone du médecin sonne constamment, les équipes sur place lui signalent ici une plaie cervicale, là une mâchoire fracassée ou une fracture ouverte ; et il est convenu qu’il peut servir de coordinateur », raconte « Le Monde ». Informé qu’un homme se trouve en situation d’urgence absolue, le généraliste appelle le médecin régulateur du Samu 79 pour réclamer un hélicoptère.

« On n’enverra pas d’hélico ou de Smur »

Dans la conversation, enregistrée par la LDH, on entend le généraliste échanger d’abord avec un pompier. « Je viens d’avoir le Samu sur place qui me dit, "on n’envoie personne sur place, le point de regroupement des victimes est à l’église de Sainte-Soline, une fois qu’ils seront là-bas, l’engagement des moyens sera décidé" », explique le pompier. « Il y a des observateurs de la LDH qui sont sur place, qui disent que c’est calme depuis une demi-heure, lui répond le généraliste. Donc en fait, vous pouvez intervenir et moi, mon évaluation à distance avec des éléments parcellaires que j’ai, c’est qu’il faut une évacuation immédiate. »

Puis le généraliste est mis en relation directe avec le Samu et s’enquiert de l’état de santé du manifestant en urgence absolue. « On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c’est qu’on n’enverra pas d’hélico ou de Smur sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre », indique le Samu, précisant devant l’inquiétude du médecin que cette décision est « à l’appréciation des forces de l’ordre dès qu’on est sous un commandement ». L’interlocuteur du Samu souligne ainsi qu’il n’a « pas l’autorisation d’envoyer des secours sur place, parce que c’est considéré comme étant dangereux ».

Plainte pour tentative de meurtre 

À la suite de la publication de ces enregistrements, la préfecture des Deux-Sèvres a tenu à donner sa version des faits. Dans un communiqué, la préfète salue « le rôle essentiel joué par un médecin de la gendarmerie, qui a notamment porté secours à un participant blessé en urgence absolue ». Un praticien qui aurait été lui-même « la cible de projectiles à son départ, alors qu’il a prodigué les premiers secours et attendu l’arrivée du Samu à ses côtés », affirme la préfecture. Elle souligne qu’il convient « en premier chef » d’assurer « la sécurité des personnels des sapeurs-pompiers ou du Samu »« Il n'est donc pas surprenant que, si ces conditions de sécurité n’étaient pas réunies, les forces de l’ordre aient pu, pour certaines géolocalisations et dans certaines périodes de temps, indiquer qu’un envoi d’ambulance n’était pas possible dans l’immédiat », avance la préfecture.

Le Samu 79 a lui aussi réagi sur les réseaux sociaux, mardi soir, rappelant « qu’envoyer une ambulance en zone d'affrontement avec de l'oxygène n'était pas recommandé avec le risque d'explosion » mais « qu’au vu de la situation, nous avons pris le risque de l'envoyer sous protection pour prendre en charge les victimes ».

Les parents de l’un des hommes dans le coma après une blessure grave à la tête viennent de porter plainte contre X pour « tentative de meurtre et entrave volontaire à l'arrivée des secours ».


Source : lequotidiendumedecin.fr