LA RÉCENTE polémique sur la vaccination contre la grippe pandémique a joué le rôle de révélateur : le consensus qui a longtemps prévalu quant aux bénéfices des vaccins est désormais rompu. L’Académie s’en émeut et a consacré hier une séance d’actualité à la question. « Le public et les médias sont beaucoup plus sensibles aux inconvénients hypothétiques de la vaccination qu’à son avantage, souligne le Pr Pierre Bégué. Une réflexion éthique et politique s’impose conjointement pour parvenir à une prévention vaccinale moderne efficace et acceptable auXXIe siècle. »
Ce qui inquiète surtout l’académicien, ce sont les conséquences pour la couverture vaccinale de cette montée des oppositions vaccinales en France et en Europe. Car la remise en question touche même les vaccins de routine. L’échec de la vaccination contre la rougeole en est un exemple , alors qu’une épidémie sévit en Europe depuis 2006 et que, rappelle-t-il, « en France, la rougeole est loin de l’élimination prévue pour 2010 ». Une absence de vaccination est notée dans 85 % des cas et 13 % n’ont reçu qu’une dose de vaccin. « L’âge moyen est de 12 ans mais les cas adultes sont nombreux ainsi que les rougeoles de très jeunes nourrissons fragiles », poursuit-il. La persistance des foyers épidémiques s’accompagne non seulement d’un glissement vers l’âge adulte mais aussi d’une augmentation des cas graves (2 cas d’encéphalite, dont l’une a provoqué le décès d’une fillette de 12 ans et 70 cas de pneumopathies graves, dont un décès, en 2009).
Les pays européens éprouvent les pires difficultés à maintenir une couverture vaccinale satisfaisante, 95 %, sachant qu’une deuxième dose de vaccin est indispensable du fait de l’absence de réponse sérologique chez au moins 5 % environ des nourrissons correctement vaccinés après 12 mois. « Seule la Finlande a réussi à éliminer durablement la rougeole, la rubéole et les oreillons depuis 1982 », note l’académicien. Ailleurs, les obstacles « proviennent bien de la négligence et du refus », souligne-t-il. Pire, en 1999, à la suite d’une publication dans « The Lancet », la peur d’une relation entre le vaccin rougeole et l’autisme s’est installée en Grande-Bretagne. En dépit des travaux innocentant le vaccin, la baisse de la couverture vaccinale s’est poursuivie. La Hollande a aussi été concernée.
Questions sur les ados et jeunes adultes.
La polémique anglaise rappelle celle qui agite la France à propos du lien entre vaccination contre l’hépatite B et scléroses en plaques. « La France est le seul pays à connaître cette polémique alors que les voisins, Italie, Espagne, Portugal, ou les États-Unis vaccinent depuis longtemps leur population avec une couverture très élevée », rappelle le Pr Bègue. La France est aussi « le seul pays à avoir vacciné massivement dans un si court laps de temps des adultes jeunes, par millions, dans une tranche d’âge de 20 à 40 ans pour laquelle l’incidence de la sclérose en plaques est la plus élevée, expliquant l’association temporelle fortuite de la vaccination et de la maladie neurologique. Cette cible n’était pas prévue dans les décisions stratégiques nationales, qui concernaient seulement les adolescents de 11 à 17 ans », ajoute-t-il. Une méfiance durable vis-à-vis du vaccin perdure en dépit de deux conférences de consensus et de l’absence d’un lien causal démontré. La couverture vaccinale contre l’hépatite B a longtemps stagné à moins de 30 %. « En 2009, la vaccination des nourrissons français paraît progresser pour la première fois avec une couverture vaccinale supérieure à 60 % favorisée par le remboursement du vaccin combiné hexavalent », apprécie l’académicien.
Toutefois, a ressurgi, lors de la pandémie grippale, les craintes du public vis-à-vis des adjuvants et des effets secondaires rares. Cela devrait inciter « à une réflexion pour toute nouvelle vaccination concernant l’adolescent et l’adulte jeune ». En particulier, « des études préalables sur l’incidence des maladies auto-immunes seront utiles afin de ne pas imputer ces maladies à une vaccination généralisée dans ces tranches d’âge », suggère le Pr Bégué.
Le refus du vaccin contre la rougeole en Angleterre ou celui contre l’hépatite sont suscités par la peur. « Ces peurs, à l’occasion d’un vaccin précis, mettent en difficulté indirectement le reste du programme vaccinal d’un pays en altérant l’image de la vaccination », analyse le spécialiste. Les autres motifs de refus doivent bien sûr être étudiés (recherche d’une médecine alternative, libre choix du vaccin revendiqué), de même que les conceptions des opposants aux vaccinations, pour répondre à leurs arguments. Mais l’Académie met aussi en cause la négligence du calendrier vaccinal, « mal diffusé auprès du public et des médecins », qui « ne comprennent pas toujours les raisons des changements fréquents de la stratégie vaccinale ».
Mieux former les médecins.
Un effort de formation et information « très urgent » doit être fait. « La refonte de l’enseignement de la vaccinologie dans le cursus des étudiants en médecine est le point essentiel », affirme l’Académie. À peine deux heures d’enseignement sont aujourd’hui dispensées. Les politiques vaccinales ne sont pas expliquées, ni les effets adverses des vaccins. La formation en infectiologie doit aussi s’améliorer afin que les soignants soient aptes à répondre au public. « Les maladies infectieuses concernées par les vaccins doivent être enseignées même si elles ont disparu », insiste l’Académie. Les maladies comme la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche ou la rougeole ne sont connues ni des médecins ni du public. « D’un point de vue éthique, le médecin doit connaître les maladies contre lesquelles il vaccine », estiment les sages. L’enseignement du 3 e cycle doit être complété par la formation médicale continue pour les médecins en exercice.
Quant à l’information, elle est obligatoire délivrée par le médecin avant toute nouvelle vaccination (rapport bénéfice/risque, rationnel de la vaccination et des stratégies). L’Académie suggère que le calendrier vaccinal et la stratégie vaccinale soient mieux diffusés. Le fait que les vaccins étaient obligatoires a sans doute « empêché les médecins d’apprendre à expliquer la vaccination et d’obtenir le consentement éclairé » des patients.
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