Les cadres du centre national des professions de santé (CNPS) ont le vague à l'âme. Alors qu'une réforme profonde du système de santé est engagée par le gouvernement, les libéraux ont le sentiment de ne pas être suffisamment associés à sa construction.
« Il est dommage que le gouvernement néglige les syndicats. Ces derniers doivent au moins participer à la définition de la stratégie », a lâché sans détour François Blanchecotte, président du CNPS, en ouverture de la convention de printemps, organisée la semaine dernière à Paris.
Devant les 86 cadres adhérents du CNPS, le chef de file de l'organisation qui regroupe 22 syndicats représentatifs a mis en garde ses troupes contre « une stratégie qui vise à les affaiblir ». « Nous devons resserrer les rangs de l'interprofessionnelle pour peser sur les réformes en cours », a-t-il ajouté.
Démantèlement des professions
Le premier dossier qui tracasse les libéraux : le respect du champ de la pratique médicale. À l'automne, la publication d'un décret sur l'accès partiel (aux professions paramédicales uniquement) a alimenté la crainte d'un éclatement de la pratique par effet de contagion et « l'émergence d'une offre de soins low cost », a rappelé le biologiste François Blanchecotte. La présentation, en février, de la stratégie de transformation du système de santé par le Premier ministre et Agnès Buzyn n'a en rien apaisé les inquiétudes. En cause : la volonté du gouvernement d'« encourager » la création de 5 000 postes d'infirmiers en pratique avancée dans les équipes de soins libérales et hospitalières, idée qu'un projet de décret a récemment confirmé. « Personne ne veut réellement de ces infirmières de pratique avancée. Nous devons nous échapper au transfert de compétences qui consiste à prendre à l'un pour donner à l'autre », tempête François Blanchecotte. Vice-président du CNPS, le Dr Jean-Paul Ortiz, également président de la CSMF, a aussi dénoncé la méthode. « Ce type de transformation doit être portée par l’ensemble des professionnels de santé pour une coconstruction. Quand le ministère négocie l’évolution des contours du métier avec l’Ordre des médecins et l’Ordre des infirmiers, une seule partie des problèmes est prise en compte. »
Le deuxième point de crispation : l'argent. Agnès Buzyn veut « repenser les modes de rémunération, de financement et de régulation » pour favoriser la coopération, la qualité et la pertinence des soins. Jean-Marc Aubert, actuel directeur de la DREES, est notamment chargé de mettre en place une « task force » du financement avec l'objectif de parvenir à 50 % maximum de tarification à l'acte, à l'hôpital comme en ville. La ministre de la Santé a également fait de la maîtrise des dépenses de santé (ONDAM) une priorité. Ces chamboulements annoncés laissent sceptiques les libéraux, qui voient dans cette agitation un écran de fumée pour cacher un porte-monnaie vide.
Présent au débat, Nicolas Revel a tenté de leur démontrer le contraire en prenant un exemple concret : « Le budget consacré aux dépenses de santé augmente de 2 % par an. On ne peut pas parler de pénurie », a rappelé le patron de l'assurance-maladie (CNAM).
L'exclusion de la recertification ne passe pas
Dernier chantier qui hérisse les libéraux : la recertification des compétences des médecins. Un rapport ad hoc doit être rendu en septembre 2018 par une mission installée par Agnès Buzyn et son homologue à l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal pilotée par le Pr Serge Uzan. Écartés de la réflexion, certains cadres syndicaux soupçonnent derrière cette « exclusion » la mainmise des doyens d’université.
D’autres ne comprennent pas la raison d’une telle réforme alors que les professions libérales sont déjà soumises au dispositif du DPC et à la procédure ordinale d'insuffisance professionnelle. « Après douze ans d'étude, nous n’avons pas forcément envie de repasser de nouveaux examens universitaires tous les cinq ans », a jeté le Dr Philippe Vermesch, vice-président du CNPS.
Droit dans ses bottes, le CNPS rappelle que son organisation est composée de syndicats « responsables ». « Nous pouvons convaincre nos adhérents quand nous sommes convaincus », avertit François Blanchecotte. À bon entendeur.
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