« LA TUBERCULOSE ne connaît pas de frontière », rappelle en préambule le Dr Fraisse. À l’échelon planétaire, on compte 9 millions de nouveaux cas chaque année, dont 95 % dans les pays en développement ou dits émergents, et 2 millions de décès dont 98 % dans ces mêmes pays. Si en France l’incidence est basse (8,9 cas/100 000 habitants/an en 2007, 9,1 en 2008), ce qui en fait un « bon élève » de la lutte antituberculeuse, le problème n’est pas pour autant résolu. Plusieurs clignotants se sont allumés récemment. Premier signal d’alarme, la recrudescence de l’incidence de la maladie observée en 2007, puis en 2008 : 265 cas supplémentaires en 2007 par rapport à 2006, 224 en 2008 par rapport à 2007. « Cette recrudescence commence à devenir une tendance », observe le Dr Fraisse. « Elle touche toutes les catégories de la population », précise-t-il.
Une maladie sociale à composante médicale.
Deuxième signal d’alarme : les disparités continuent à s’accentuer. « La moitié des cas de tuberculose déclarés dans notre pays survient chez des personnes migrantes, qui, pourtant, représentent moins de 10 % de la population », explique le Dr Fraisse. L’incidence chez les migrants originaires d’Afrique subsaharienne est supérieure à 100/100 000 habitants et chez les demandeurs d’asile autour de 200/100 000 habitants.
La précarité est un autre facteur de risque clairement identifié, pas seulement pour les personnes venant de pays de forte endémicité, mais aussi pour les populations françaises, notamment les sans domicile fixe, chez lesquels l’incidence avoisine 160/100 000 habitants. Les disparités sont aussi régionales. « L’Ile-de-France est particulièrement concernée, note le Dr Fraisse, avec une incidence deux fois plus élevée que la moyenne, la transmission du bacille étant favorisée par la concentration de population ».
Autre sujet d’inquiétude : la mortalité reste élevée, notamment chez les personnes âgées. Globalement, elle est de l’ordre de 10 %, soit 667 décès en 2007. En cause, notamment, le délai diagnostique, qui est encore, en moyenne, supérieur à 3 mois. « En France, la tuberculose, bien qu’étant toujours un problème de santé publique, est devenue une maladie rare, si bien que les médecins manquent d’expérience, méconnaissent l’histoire de la maladie et sous-estiment sa contagiosité ». Quant à l’incidence chez les personnes au contact des malades, elle est très élevée, de l’ordre de 1 000/100 000 habitants, ce qui justifie pleinement l’amélioration des enquêtes dans l’entourage des cas.
Si la tuberculose concerne les pneumologues, les médecins généralistes et les pédiatres, c’est aussi un problème social et politique, souligne le Dr Fraisse, c’est une maladie sociale à composante médicale, poursuit-il. La loi de Santé publique en vigueur en tient compte, puisque la tuberculose est un objectif prioritaire, en particulier pour les populations les plus exposées. Le programme national de lutte contre la tuberculose 2007-2009, en cours d’évaluation, avait d’ailleurs fixé six axes principaux :
– le dépistage et le traitement des malades ;
– le dépistage chez les sujets à risque des formes latentes relevant d’un traitement ;
– l’optimisation du BCG ;
– la prévention des résistances ;
– l’amélioration de la surveillance épidémiologique ;
– le pilotage de la lutte antituberculeuse au niveau régional.
Propositions et recommandations.
Un comité de suivi constitué de trois groupes d’experts a évalué le programme et élaboré des propositions. Le premier groupe s’est intéressé aux disparités et a conclu à la nécessité de mieux sensibiliser les groupes à risque, de coupler dépistage et prise en charge immédiate, d’améliorer l’accès aux soins et l’accompagnement du traitement.
Le deuxième groupe, chargé du traitement, a insisté sur la diffusion des bonnes pratiques du traitement antituberculeux et du diagnostic précoce, l’amélioration du diagnostic et du traitement des infections latentes chez les sujets contacts et chez les patients immunodéprimés (VIH+, transplantés) en évaluant les tests de production d’interféron gamma.
Le troisième groupe avait pour objet la tuberculose de l’enfant et le BCG. « Depuis la suspension de l’obligation vaccinale des enfants le 17 juillet 2007 (le BCG reste obligatoire pour les professions socio-sanitaires), la couverture vaccinale des enfants à risque est variable, de 45 à 89 %, selon les régions », explique le Dr Fraisse. En Ile-de-France, où il est recommandé de vacciner tous les nourrissons, les résultats sont relativement bons en PMI, avec un taux de vaccination de 89 %, mais très insuffisants par ailleurs.
Les membres du comité de suivi ont remis leurs recommandations à la Direction générale de la santé (DGS). Elles sont actuellement en cours de validation auprès du Haut Conseil de la santé publique. Ils ont en outre proposé une liste d’indicateurs de suivi et d’impact des mesures mises en uvre.
› Dr MARINE JORAS
D’après un entretien avec le Dr Philippe Fraisse, hôpital de Hautepierre, CHU de Strasbourg.
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