Ce n’est pas uniquement l’hôpital public qui semble menacé d‘effondrement. La ville va « tout aussi mal », alerte ce mardi le Dr Arnaud Chiche, fondateur du collectif de soignants « Santé en danger ». C'est pourquoi il devient urgent à ses yeux d'agir pour « restaurer l’attractivité de l’un et l’autre » et « amorcer des réformes en profondeur », met en garde l'anesthésiste-réanimateur.
Marasme général
C’est dans cet objectif que le collectif a mené une enquête en ligne (via un groupe Facebook) auprès de 40 médecins urgentistes et 30 généralistes répartis sur tout le territoire. Ceux-ci ont été interrogés sur deux thématiques prioritaires : les déserts médicaux et « la tension extrême » dans les services d’urgence.
Leur diagnostic est sans appel : côté urgences, une soixantaine de services répertoriés connaissent des fermetures la nuit et le jour, mais aussi « un nombre conséquent de Smur », observe le collectif qui constate un mouvement d’accélération. « Le marasme est général car l’ensemble des services d’urgence est en sous-effectif tant médical que paramédical », illustre la Dr Chloé Carruesco, médecin au Samu-Smur (CHU de Bordeaux. Conséquence, les conditions d’exercice font « peser un péril imminent sur la sécurité des patients », avertit le collectif.
Pénibilité du travail de nuit
À la lueur des témoignages, le collectif avance plusieurs propositions pour stopper cette hémorragie. Pour fluidifier l’aval des urgences, il exige la mise en place systématique d’un gestionnaire des lits disponibles, au sein de chaque établissement. Autre requête : conditionner l’autorisation d’un service d’urgence à l’affichage et au suivi de l’indicateur « No bed challenge » qui recense au quotidien le nombre de patients ayant passé la nuit sur un brancard au service d’urgences, faute de lit d’aval. Pour le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH), il faut privilégier cet outil pour instaurer « une gestion plus humaine et conforme aux bonnes pratiques ».
Autre chantier prioritaire : la reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit. Le collectif exige à cet égard une revalorisation salariale immédiate avec le doublement de l’indemnité de garde pour les PH et la défiscalisation de ces indemnités. Il souhaite aussi « l'arrêt ou la limitation des gardes complètes après 50 ans » et le droit à une retraite anticipée au-delà d’un certain nombre d’heures de nuits. Des temps de repos dans des espaces « aménagés et dignes » seraient bienvenus.
Paiement des heures sup'
Côté attractivité, le collectif réclame aussi une revalorisation salariale rapide des urgentistes (restauration des quatre années d’ancienneté pour les PH nommés avant octobre 2020, augmentation des indemnités de garde) mais aussi « la prise en compte et paiement » des heures supplémentaires.
Pour renforcer la sécurité des soins, le ratio soignants/patients maximum devrait être un binôme infirmier/aide-soignant pour 12 patients. Et pour renforcer les équipes, le collectif recommande de faciliter l’exercice des médecins à diplôme étranger (Padhue) grâce à la revalorisation de leur rémunération et statut, à l'heure où nombre de ces médecins connaissent encore un parcours du combattant vers le plein exercice.
Refonte de la permanence des soins
Sur la qualité de vie au travail (QVT), chantier jugé prioritaire, « Santé en danger » souhaite la présence d’« assistants médicaux administratifs » mais aussi la modernisation du système informatique et des logiciels métiers, avec « un redémarrage du programme SI-Samu intégrant le développement d’un logiciel de régulation médicale commun à toute la France ». Autre idée : favoriser la délégation de tâches pour les gestes à « courbes d’apprentissage rapide » (sutures simples, plâtres).
La permanence des soins en amont des urgences doit, elle, être « repensée » avec des « solutions adaptées à chaque territoire ». Pour renforcer le lien ville-hôpital, le collectif milite pour la création de maisons médicales de garde « intra-hospitalières » et la participation de médecins généralistes et spécialistes libéraux aux « pools » de garde des urgences hospitalières, « sur la base du volontariat ».
Des propositions (aussi) pour la ville…
La médecine libérale doit elle aussi être réformée au plus vite pour « garantir l’accès aux soins pour tous ». Le collectif met en avant une « réelle » augmentation du nombre de médecins formés ce que, selon lui, « le numerus apertus actuel ne permet pas ». Il appelle de ses vœux le financement de « secrétariats médicaux » et la création de « pools de remplaçants territoriaux », ainsi que l’allègement de toutes les procédures administratives.
Côté honoraires, au-delà de la nécessaire revalorisation de la consultation et de la visite à domicile, les libéraux sondés réclament « une vraie réflexion sur la valorisation de la prise en charge des patients âgés, dépendants et complexes ». Sans surprise, le collectif récuse toutes les mesures coercitives à l'installation (contreproductives), le retour aux gardes obligatoires en ville et les dispositions « ineptes » se traduisant par une surcharge administrative. Mais il propose en revanche de mieux éduquer et responsabiliser les patients quant à leur motif de consultation…
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