LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Quels sont les principaux changements par rapport à l’année dernière ?
Pr DIDIER HOUSSIN - Le contexte est particulier puisque nous sortons d’une pandémie grippale. En 2009, la campagne avait été avancée parce qu’il fallait un délai entre la vaccination contre la grippe saisonnière et celle contre la grippe A(H1N1)v. Cette année, nous sommes revenus à une situation habituelle. Toutefois, l’une des leçons que nous avons tirée de la campagne contre la grippe pandémique est qu’il fallait faire preuve de plus de flexibilité et d’adaptation possibles. C’est pourquoi j’ai interrogé le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) le 20 août dernier et demandé si les recommandations formulées au mois de juin devaient être modifiées compte tenu de la situation au mois d’août. Selon le HCSP, l’épidémie actuelle dans l’hémisphère sud est relativement modérée et il n’a pas été observé, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne ou en Espagne au cours de l’été 2009, de phénomènes épidémiques anormaux dans l’hémisphère nord. De plus, les analyses virologiques montrent que les virus qui circulent sont maintenant de plusieurs types : le virus A(H1N1), qui a peu changé par rapport à 2009, mais aussi le virus A(H3N2) et un virus B. Pour toutes ces raisons, le HCSP estime qu’il faut revenir aux recommandations habituelles.
Il n’y a donc pas de recommandations particulières pour les femmes enceintes qui ne sont pas en ALD.
En fait, alors qu’on se préparait à des recommandations élargies en direction des femmes enceintes et des personnes obèses, la situation observée par le HCSP montre qu’il n’y a pas lieu de le faire. Bien sûr si un médecin estime qu’une personne a des facteurs de risque, notamment une femme enceinte, il peut la faire vacciner.
Avec quel vaccin ?
Le vaccin mis à disposition dès samedi dernier dans toutes les pharmacies, comme chaque année, est un vaccin trivalent saisonnier avec une valence B, une valence A(H3N2) et la valence A(H1N1)/California 2009 qui, a priori, protège contre une circulation du virus pandémique 2009. De plus, un seul de ces vaccins a un adjuvant. Les médecins pourront donc vacciner les femmes enceintes avec ce vaccin saisonnier.
La couverture vaccinale progresse-t-elle chez les professionnels de santé ?
Le taux de vaccination chez les professionnels de santé s’améliore chaque année mais il reste faible, en particulier chez les infirmièr(e)s et les aides soignant(e)s. Chez les médecins, l’amélioration est significative puisque dans l’enquête réalisée par la DREES dans les maisons de retraite, la couverture vaccinale était de 60 %, voire 65 %, et le baromètre de l’INPES a montré que 74,8 % des médecins généralistes s’étaient fait vacciner au cours de l’hiver 2008 alors qu’ils n’étaient que 63 % en 2003. Toutefois, l’enquête de la DREES montrait que, dans les services d’urgence, seulement 47 % des médecins, 23 % des aides-soignant(e)s et 19 % des infirmières étaient vaccinés. Nous avons encore un gros effort à faire pour expliquer et convaincre ces médecins, les aides-soignantes et surtout les infirmières.
La gratuité de la vaccination qui leur est proposée vise-t-elle à améliorer cette couverture vaccinale ?
C’est un élément nouveau cette année. Pour la première fois, les médecins et les autres professionnels de santé vont recevoir un bon de la caisse d’assurance-maladie et pourront se faire vacciner gratuitement. C’était une de leurs demandes. C’est d’ailleurs une autre des leçons de la pandémie. Nous avons essayé d’associer autant que possible à la préparation de cette campagne les médecins, les infirmières, les sages-femmes, les pharmaciens, les sociétés savantes, de pédiatrie, de maladies infectieuses, les généralistes, les enseignants généralistes, le collège de médecine générale. Nous avons eu plusieurs réunions qui nous ont permis de comprendre leurs attentes.
Quels sont les objectifs de la campagne ?
Il faut essayer de convaincre les plus réticents. Nous avons écrit avec Annie Podeur, directrice de l’Hospitalisation et de l’Organisation des soins, et Fabrice Heyriès, directeur général de la Cohésion sociale, aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux pour rappeler l’importance de la vaccination. Quand on essaie de comprendre ce qui motive les résistances aux vaccins, les enquêtes mettent en évidence des craintes sur les risques du vaccin ou l’idée que d’autres thérapeutiques alternatives puissent prévenir de la grippe. Pendant la pandémie, nous avons pu montrer que les vaccins étaient sans risque particulier, que les effets secondaires étaient très rares et, dans la très grande majorité des cas, parfaitement bénins. La crainte qui s’était exprimée en septembre 2009 n’était finalement pas fondée.
Vous pensez donc que le public répondra présent ?
Je l’espère. On n’a aucune indication disant que les gens concernés ne se feront pas vacciner. Nous savons que les personnes qui se sont déjà fait vacciner le font de nouveau. Ce qu’il faut, c’est convaincre les plus jeunes, ceux qui arrivent dans le dispositif. Nous avons toujours cet effort à faire, qui me paraît particulièrement important vis-à-vis des professionnels de santé, surtout, je le répète, les infirmières et les aides-soignants.
UNE LEÇON DE LA PANDÉMIE : FLEXIBILITÉ ET ADAPTATION
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