Le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, a admis jeudi 26 octobre, sur les ondes de « France Inter », que le harcèlement sexuel constituait un « problème à l'hôpital », suscitant une série de réactions de la communauté médicale.
« C'est un milieu vulnérable entre le stress, les enjeux de pouvoir et les traditions qui font que les acteurs ont toujours eu du mal à faire la frontière entre la plaisanterie lourdingue et ce qui est le harcèlement », a expliqué le patron du plus grand CHU de France.
Ces derniers jours, la parole de femmes s'est libérée après la révélation de l'affaire Weinstein, producteur américain accusé par plusieurs actrices de harcèlement, d’agressions sexuelles, voire de viol.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a affirmé par ailleurs dans les colonnes du « Journal du Dimanche » avoir été victime de « comportements très déplacés » au cours de sa carrière hospitalière. « Des chefs de service me disaient : "Viens t'asseoir sur mes genoux." Des choses invraisemblables », a-t-elle décrit.
Nombreux passages en conseil de discipline à l'AP-HP
Martin Hirsch a indiqué que les passages en conseil de disciplines pour harcèlement sexuel étaient « réguliers » à l'AP-HP. Pas plus tard que la semaine dernière, un professionnel « a priori » accusé pour ce motif sur une jeune étudiante en médecine a été suspendu. « Le conseil de discipline et le jugement viendront plus tard », poursuit le DG de l'AP-HP.
Toutefois, tous les professionnels ne sont pas tous du même avis. L'association Jean-Louis Mégnien, qui milite contre le harcèlement moral à l'hôpital, est montée au créneau et a regretté « le décalage entre un discours officiel qui se donne les apparences de la rigueur et de la vertu, et, dans la réalité, des pratiques visant à protéger les harceleurs ». « Nous constatons aussi des actes de maltraitance de la part de certains hauts responsables administratifs, sans réaction de la part de leur hiérarchie. L’un d’eux, accusé de harcèlement sexuel, a même été promu », tacle-t-elle.
L'Ordre des médecins a encouragé ce vendredi « les victimes de harcèlement sexuel dont l'auteur serait un médecin à porter plainte devant les conseils départementaux [...] ou directement devant les chambres disciplinaires ordinales afin que ces abus soient dévoilés et sanctionnées. [...] L’institution ordinale et ses juridictions disciplinaires peuvent être des alliées importantes des victimes de harcèlement sexuel. »
« Nous, médecins, devons être exemplaires. Le harcèlement sexuel est intolérable et doit être quotidiennement combattu, dans le milieu médical comme ailleurs », déclare le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins.
Folklore carabin pas toujours adapté
L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) a également réagi dans un communiqué. « Les étudiants en médecine et les internes de médecine générale ne sont pas épargnés, note Marion Bouty, porte-parole de la structure jeune. Sous couvert de tradition, d'humour carabin et souvent dans un contexte de liens de subordination, des actes quotidiens sont banalisés. Ils peuvent pourtant correspondre à des véritables violences psychologiques. »
« Humour graveleux, maladresse, agression, la frontière est poreuse, commente l'ISNAR-IMG. On refuse alors facilement de voir les conséquences désastreuses pour la victime. Si l'agresseur semble ne "rien faire de mal", la victime, souvent, culpabilise en silence. »
L'Intersyndicat national des internes (ISNI), qui a lancé en septembre une enquête nationale sur le sexisme, souligne que la lutte « contre toutes les formes de sexisme doit être un combat collectif et quotidien ». Le syndicat déplore que les témoins de violences et de harcèlement « restent passifs ».
Repeindre les salles de garde ?
Le patron de l'AP-HP espère que la libération de la parole remettra une « frontière bien claire » et permettra d'éviter « des comportements qui dépassent les limites ».
Il a par ailleurs ajouté vouloir agir à tous les niveaux avec la communauté médicale. Les économes – responsables des salles de garde – seront réunis autour du sujet très prochainement.
Dans un entretien « au Monde », publié ce vendredi, Martin Hirsch précise que la question des illustrations sur les murs des salles de garde hospitalière sera discutée. « Nous aurons à trancher la question de savoir s'il faut ou non repeindre les salles de garde dont les fresques doivent être considérées comme un témoignage de pratiques révolues, pas comme une incitation à maintenir des traditions malsaines. »
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