Un an après l’affaire Orpea, le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, Jean-Christophe Combe, s'est livré à un bilan d'étape des mesures engagées par le gouvernement dans le secteur du grand âge, avec la volonté réaffirmée de renforcer les contrôles, la transparence et la lutte contre les maltraitances.
L’ancien directeur général de la Croix-Rouge est revenu sur l’objectif de contrôler l'ensemble des 7 500 Ehpad de France en deux ans « alors qu’ils l’étaient en moyenne tous les 20 ans ». Dix mois après cette annonce, 1 400 inspections/contrôles ont été réalisées (plus de 800 sur site), notamment les établissements « identifiés comme étant le plus à risque », selon Jean-Christophe Combe.
21 sanctions, 11 saisines
Les équipes des ARS affectées à ces missions ont été renforcées à hauteur de +120 ETP sur 2 ans, recrutés progressivement en 2022 et 2023. « Cela prend du temps, il faut trouver des professionnels et les former », reconnaît le ministre. Cette stratégie a déjà débouché sur 1 800 prescriptions/injonctions et 2 211 recommandations tous champs confondus (gouvernance, fonctions supports, prise en charge des résidents), 21 sanctions administratives et 11 saisines du procureur de la République.
Parmi les manquements constatés, le ministère pointe la gouvernance (absence de politique qualité, non-conformité aux autorisations, absence de projet d’établissement, absence de conseil de vie sociale), la prise en charge (défaut de coordination interne, présence insuffisante de personnels sur certaines plages horaires, gestion des stocks et traçabilité des médicaments non conformes, non-respect de l’intimité des résidents en chambre double, dénutrition observée), et les fonctions supports (manquement à la sécurité des locaux, hygiène, fort recours aux CDD, à l’intérim, absence de formation). Les contrôles ont concerné 49 % d’Ehpad privés lucratifs, 26 % d’Ehpad privés non lucratifs et 24 % d'établissements publics.
Des recrutements mais pas de solutions miracles
Le deuxième axe concerne la politique RH et le renforcement des personnels dans les Ehpad. Le gouvernement a fixé la trajectoire de recrutement de 50 000 professionnels soignants supplémentaires (d'ici à 2030), dont 3 000 postes ouverts en Ehpad dès cette année – l'objectif étant d'améliorer le taux d'encadrement des résidents. Ce chiffre est jugé « réaliste » au regard « de difficultés que l’on a aujourd’hui pour recruter », selon Jean-Christophe Combe.
D'ores et déjà, le gouvernement met en avant le renforcement du temps de présence de médecins coordonnateurs en Ehpad, « avec, a minima, deux jours de présence par semaine dès 2022 », la revalorisation de leurs rémunérations, la « généralisation d’astreintes d’infirmiers de nuit » d’ici à 2023 et la pérennisation des équipes mobiles gériatriques.
Mais au-delà, la « priorité » est de « revaloriser ces métiers ». « Je n’ai malheureusement pas de solutions miracles. C’est un ensemble de dispositions qui, mises bout à bout, vont permettre de redresser la barre sur l’attractivité », considère Jean-Christophe Combe qui évoque les salaires, les parcours, la formation professionnelle et les conditions de travail alors que de nombreux postes restent vacants – 5 % en moyenne mais jusqu'à 20 % dans certains établissements.
Moralisation
Alors que la Défenseure des droits a réclamé de son côté la mise en place d’un ratio de 8 équivalents temps plein (soignants/animateurs) pour 10 résidents, le ministre des Solidarités admet que ce taux tourne plutôt « autour de 6,5 pour 10 », en tenant compte uniquement des soignants. La réflexion sur le fait d'« adapter le taux d’encadrement aux besoins réels » des résidents est en cours.
Pour prévenir les abus et dérives, le ministre veut aller plus loin sur la transparence du secteur. Depuis 2022, les gestionnaires doivent inscrire les montants des « rabais, remises et ristournes » obtenus sur les achats et prestations, en recette dans le budget, ou encore établir une comptabilité analytique distincte pour chaque établissement. La loi Sécu 2023 a ajouté d'autres mesures : limitation dans le temps de l'usage des excédents faits sur les financements publics ; annexe obligatoire en comptabilité analytique sur les mouvements financiers entre les gestionnaires d’Ehpad à but lucratif et les EHPAD gérés, ainsi que sur l'utilisation des dotations publiques.…
Une charte pas cosmétique
À ceux qui s'interrogent sur « la compatibilité d’un modèle économique commercial lucratif avec ce type d’activité et la qualité des soins », Jean-Christophe Combe juge que ce n'est pas inconciliable. L’ancien DG de la Croix-Rouge est favorable au modèle lucratif « à condition qu’il mette la priorité sur la qualité d’accompagnement de résidents et la qualité de vie au travail des salariés ».
Le ministre se montrera « vigilant » vis-à-vis des initiatives du secteur privé. La nouvelle charte d’engagements signée par le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) devra déboucher sur des « effets concrets » et non pas « du cosmétique », avertit Jean-Christophe Combe. Celui-ci assure qu’il n’est « pas là pour mettre une couche de vernis sur un secteur en grande difficulté ».
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