La contestation contre le projet de loi de santé ne faiblit pas malgré la concertation tous azimuts du ministère de la Santé depuis deux semaines (voir ci-dessous).
Outre la grève administrative, tous les syndicats représentatifs des médecins libéraux appellent désormais à manifester à Paris le 15 mars aux côtés des internes et des chefs de clinique contre la réforme de Marisol Touraine.
Parallèlement, la plupart des organisations réclament des négociations tarifaires immédiates, un round que leur refuse l’assurance-maladie (Quotidien du 2 février). La ministre de la Santé renvoie à 2016, après les élections professionnelles, l’ouverture des discussions. Du fait des stabilisateurs économiques et des délais d’opposition, la profession redoute l’absence de toute revalorisation avant 2017. « On ne passera pas un quinquennat à 23 euros la consultation, s’offusque le Dr Claude Leicher, président de MG France. D’ailleurs, la transgression tarifaire déjà a commencé, et les revalorisations se feront de gré ou de force ».
Une fois par jour...
De fait, des généralistes ont commencé à facturer 25 euros leur consultation unilatéralement. MG France n’a lancé aucun mot d’ordre tarifaire – une telle consigne est illégale et peut être sévèrement sanctionnée – mais réclame à cor et à cri que les généralistes puissent appliquer la majoration de pratique clinique (MPC), portant automatiquement la consultation à 25 euros. Le syndicat a même garanti qu’il soutiendrait les généralistes poursuivis par les caisses.
Depuis le 23 décembre, le Dr Pascal Dureau, généraliste à Vénissieux (Rhône), pratique une fois par jour une consultation à 25 euros (CS+MPC) en tiers payant. Cette « démarche symbolique » entend dénoncer la « stigmatisation » que subit la médecine générale, explique le praticien.
Depuis trois semaines, le Dr Agnès Moretti, facture de son côté, comme ses cinq confrères généralistes de la maison médicale de Chinon, en Indre-et-Loire, 56 euros pour certaines visites à domicile particulièrement longues (pathologies lourdes) au lieu de 33 euros aux personnes âgées en ALD. « Il ne s’agit pas de visites de courtoisie, explique au "Quotidien" le Dr Moretti. Nous nous déplaçons chez des gens abîmés, qui ne peuvent pas sortir de chez eux, qui sont en soins palliatifs, en insuffisance cardiaque ou respiratoire sévère, et à qui nous consacrons 45 minutes. »
Prudence syndicale
Après la fermeture des cabinets à Noël, le 6 janvier et encore jeudi dernier, après la grève des gardes et le boycott de la télétransmission, l’exaspération peut-elle se transformer en mouvement tarifaire, comme au début des années 2000 ?
Les syndicats ne l’excluent pas mais demeurent prudents. « Je comprends cette grogne mais pour l’heure, les médecins généralistes sont surtout concentrés sur le combat contre le tiers payant généralisé et le démantèlement du métier prévus dans la loi de santé », analyse le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF, la branche généraliste de la CSMF.
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) présidé par le Dr Eric Henry estime que « ce ne sont pas deux euros par consultation qui vont changer la face du monde ». Pour l’heure, la surfacturation par les généralistes demeure un phénomène marginal (moins de 1 %), affirme l’assurance-maladie.
La France a connu une guérilla tarifaire en 2002. À quelques mois de l’élection présidentielle, des milliers de médecins généralistes avaient appliqué à l’époque le C à 20 euros et le V à 30 euros à l’appel des coordinations.« Si les discussions s’enlisent, les contestations tarifaires vont s’amplifier », pronostique le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), qui voit des similitudes avec le climat électrique de 2002. « Si le mouvement prend de l’ampleur, il peut échapper aux syndicats », met en garde le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML).
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