On croyait en avoir fini avec les dermatoses des mains des soignants. Mais l’épidémie de Covid – et les soins locaux manuels adoptés pour réduire la transmission – a remis ce problème à l’ordre du jour (1, 4).
Ce n’est qu’à la fin des années 1940 que l’utilisation des gants chirurgicaux a été généralisée dans les pays développés. La première génération de gants contenait du latex (produit allergisant cutané et à l’origine d’asthmes professionnels), des accélérateurs chimiques et ils étaient poudrés dans leur face au contact des mains. Les accélérateurs chimiques sont des composants utilisés pour rendre les gants plus durables et plus élastiques : thiurames, dithiocarbamates, mercaptobenzothiazoles et diphénylguanidine.
Or tous ces composantes, et en particulier les thiurames, agents vulcanisants du caoutchouc, peuvent être à l’origine d’irritations cutanées voire de véritables allergies de type 4 (hypersensibilité retardée). Pour limiter les risques allergiques, les fabricants ont développé au milieu des années 1980 des gants non poudrés (mais contenant encore du latex et des accélérateurs chimiques), puis, dans les années 1990, des gants non poudrés, sans latex contenant néanmoins encore certains accélérateurs. Ce n’est que dans les années 2010 que les dernières générations de gants les moins allergisantes ont gagné leur place dans le soin (2).
Hypersensibilisation à la chlorhexidine
Grâce à ces mesures – et à la prise en compte des possibles allergies résiduelles par les services de santé au travail – l’incidences des troubles dermatologiques des mains a diminué chez les soignants. Néanmoins, des cas d’hypersensibilisation à la chlorhexidine – utilisée dans les savons des blocs opératoires – ont été décrits : ils se traduisent par des prurits, l’apparition de vésicules, des urticaires, voire des lésions respiratoires (dyspnée et rares chocs anaphylactiques) (3).
Parmi les autres causes de dermatoses des mains des soignants on retient la mauvaise qualité des produits lavants (contenant des irritants tels que l’isobornyl acrylate ou le propylene glycol) et le travail à « mains humides » (mal séchées, le plus souvent en raison de papiers sèche-mains rêches et peu absorbant). Avant même l’épidémie de Covid, les soignants de réanimation étaient 77 % à se plaindre de lésions cutanées des mains survenues au cours des 12 derniers mois : sécheresse cutanée (96,1 %), rougeur (58,3 %), fissures et/ou crevasses (50,5 %), démangeaisons (43,7 %), douleurs (27,2 %) et suintements (5,8 %). Plus le nombre de lavages des mains était important et plus la durée de port des gants était prolongée, plus les signes étaient importants (5).
Les parfums ont majoré les risques
Avec la pandémie, c’est la conjonction des lavages fréquents, du port systématique de gants, de l’utilisation de solutés hydroalcooliques qui a induit une explosion du nombre des lésions dermatologiques des mains chez les soignants en 2020. Outre l’effet irritant de chaque produit utilisé et le travail à « mains humides », les parfums - en particulier ceux intégrés dans les gels hydroalcooliques- ont majoré les risques d’allergie cutanée.
En Allemagne, devant la recrudescence des cas, des hôpitaux de Basse Saxe ont proposé des programmes de sensibilisation au risque, associés à la distribution de produits émollients et de savons surgras à utiliser au travail et à domicile. Des séchoirs de mains à air pulsé ont aussi été installés pour éviter l’humidité persistante sur les mains (1). Résultat : alors que chez les témoins, 8,8 % des soignants ont été concernés par l’apparition d’un eczéma des mains pendant les 6 mois de suivi, aucune des personnes qui avait accès au protocole de soins n’a développé de pathologie cutanée. En outre, les 3 % de soignants inclus dans le groupe intervention et qui présentaient des lésions des mains à l’inclusion ont été considérés comme guéris. Les auteurs insistent sur le fait que les soins des mains proposés n’altéraient pas le degré propreté des mains et, de ce fait, ne favorisaient pas le risque de transmission virale manuportée.
(1) Symanzik C, Stasielowicz L, Brans R et coll. Prevention of occupational hand eczema in healthcare workers during the COVID-19 pandemic: A controlled intervention study. Contact Dermatitis. https://doi.org/10.1111/cod.14206
(2) Allergy to rubber gloves. Curr Opin Allergy Clin Immunol. 2020 Apr;20(2):112-116. doi: 10.1097/ACI.0000000000000611.
(3) Absallah C, Perioperative chlorhexidine allergy: Is it serious?J Anaesthesiol Clin Pharmacol. 2015 Apr-Jun; 31(2): 152–154.doi: 10.4103/0970-9185.155140
(4) Lee E, Lobl M, Ford A et coll. What Is New in Occupational Allergic Contact Dermatitis in the Year of the COVID Pandemic?Current Allergy and Asthma Reports volume 21, Article number: 26 (2021) C
(5) Le Hir C, Longuenesse C, Lepelletier D et coll. Dermites des mains chez les soignants de réanimation : causes et impact sur l’hygiène des mains. Annales de Dermatologie et de Vénéréologie Volume 144, Issue 12, Supplement, December 2017, Page S239
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