La Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et les syndicats de médecins libéraux se retrouvent au pied du mur. Au terme de quatre mois de discussions et de ballons d'essai se profile la séquence décisive du chiffrage des revalorisations, des arbitrages politiques et des grandes manœuvres syndicales.
Une séance de négociation est prévue aujourd'hui, une autre se tiendra le 13 juillet. Ensuite, c'est le saut dans l'inconnu : le patron de la CNAM a demandé aux syndicats de bloquer quelques jours sur leur agenda (19, 20 et 21 juillet) dans l'espoir de finaliser un texte, sachant que la date butoir pour conclure la nouvelle convention est fixée au 26 août (à défaut, l'arbitre Bertrand Fragonard sera saisi pour rédiger un règlement minimal). La CSMF a déjà convoqué une AG extraordinaire le 23 juillet.
Le directeur de l'assurance-maladie, Nicolas Revel, joue gros dans ce bras de fer. Alors que la médecine libérale subit une crise profonde, qui se traduit par la désaffection des jeunes, la convention est censée donner un nouveau souffle à la profession en valorisant la pratique médicale, en modernisant l'organisation des soins de ville et en traduisant le virage ambulatoire si souvent promis par l'exécutif mais que les médecins de ville ne voient jamais venir.
Un goût de trop peu
Pour y parvenir, le patron de la CNAM a envoyé plusieurs signaux positifs (lire ci-dessous). Il a sanctuarisé la protection sociale en secteur I en maintenant le financement de l'ASV, proposé une aide significative pour les candidats aux déserts médicaux, acté le principe d'une consultation de base à 25 euros et d'une nouvelle hiérarchisation des actes cliniques à quatre étages et repris à son compte la création d'un forfait structure que tous les syndicats appellent de leurs vœux.
Mais le projet conventionnel a un goût de trop peu pour les médecins. La CSMF et le SML réclament peu ou prou un nouvel investissement de 1,4 milliard d'euros, ce qui serait inédit. MG France s'est tourné vers François Hollande pour obtenir la création d'un fonds d'investissement « soins primaires » doté immédiatement de 500 millions d'euros dans la prochaine loi Sécu. Pour le syndicat de généralistes, c'est la seule façon de « redonner envie à la génération prochaine d'exercer ce métier » en déchargeant le médecin traitant d'une partie de ses tâches de gestion du cabinet grâce à l'emploi d'un assistant.
Les syndicats de spécialistes dénoncent le risque de saupoudrage tarifaire, les praticiens de bloc s'insurgent contre la revalorisation d'actes techniques peu fréquents et réservés à un nombre limité de médecins. « Aucune revalorisation n'est accordée à l'anesthésie libérale », se désole Le BLOC, qui pointe un « retard tarifaire majeur ».
De surcroît, plusieurs syndicats font valoir que la CNAM stigmatise le secteur II en privilégiant systématiquement les professionnels en secteur I ou signataires du contrat d'accès aux soins (CAS).
Climat délétère
En attendant d'y voir clair, les syndicats se montrent plutôt pessimistes. « Au-delà des aspects financiers, cette négociation s'inscrit dans un climat politique délétère, les médecins restent marqués par des mois de conflit et de défiance, le contexte est très défavorable à une signature, analyse le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Nous souhaitons toujours aboutir à un compromis acceptable mais la CSMF peut très bien ne pas signer ».
Plus que jamais, la contrainte financière obscurcit l'horizon conventionnel. « Au regard des attentes très fortes, il faudrait deux budgets pour les médecins : un dans le cadre conventionnel, l'autre venant du ministère », résume le Dr Eric Henry, chef de file du SML qui souhaite « aller au bout de la discussion ». « Je pense que ça va coincer, pronostique de son côté le Dr Jean-Paul Hamon (FMF). Pour l'instant, la caisse ne change rien à ses habitudes. Le syndicat qui signera sans un investissement massif sur la médecine libérale se fera massacrer ».
Selon un sondage en ligne réalisé sur le quotidiendumedecin.fr, 83 % des 418 médecins ayant répondu estiment que les syndicats médicaux devraient aller au clash.
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