LE DÉPISTAGE autour de cas est une mesure essentielle des programmes de lutte contre la tuberculose dans les pays à faible incidence comme la France. Cette stratégie est d’autant plus importante que l’incidence n’est pas homogène sur tout le territoire. Les dernières données publiées par l’InVS (Institut de veille sanitaire) montraient qu’en 2008, comme les années précédentes, l’Ile-de-France, avec 17,9 pour 100 000 cas, était la région de métropole qui présentait le taux d’incidence était le plus élevé, la Seine-Saint-Denis étant le département le plus touché (30,3 cas pour 100 000 habitants). Dans l’étude qu’ils publient dans le « BEH », le Dr Ségolène Greffe et coll. expliquent : « Le dépistage nous apparaît primordial dans une stratégie de prévention de la tuberculose multirésistante (TBMR), en association avec un diagnostic plus rapide de la multirésistance grâce à de nouveaux tests de diagnostic rapide tels que l’amplification en chaîne par polymérase (PCR), permettant une mise en place plus précoce des traitements de seconde ligne. » Ils rappellent que la TBMR représente environ 1 % des cas de tuberculose en France et qu’une augmentation avait été observéeentre 2002 et 2005.
Quinze patients inclus.
L’enquête, réalisée entre janvier 2006 et juin 2007, montre que le dépistage des sujets contacts de patients hospitalisés pour tuberculose respiratoire dans 3 hôpitaux de Seine-Saint-Denis (Avicenne à Bobigny, Jean-Verdier à Bondy et Delafontaine à Saint-Denis) est loin d’être optimal. Dans cette étude rétrospective, les auteurs se sont intéressés à la prise en charge, par les différentes structures impliquées dans le dépistage, de 15 patients qui avaient tous un prélèvement respiratoire positif à Mycobacterium tuberculosis multirésistant, confirmé par le Centre national de référence (CNR) des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux. En Seine-Saint-Denis, c’est à la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) que revient la charge de transmettre au centre de lutte antituberculeuse (CLAT) du département de domicile du patient, les signalements des cas de tuberculose qui lui sont adressés par les médecins déclarants. Et c’est au CLAT de définir les sujets contacts, en interrogeant le patient index ou sa famille par téléphone ou après convocation. C’est aussi à lui de s’assurer de la réalisation de l’enquête lorsqu’elle doit être effectuée par d’autres services, notamment lorsque des membres de l’entourage résident dans d’autres départements.
Parmi les 15 patients, 11 (73 %) seulement étaient connus des CLAT. La notion de multirésistance était inconnue des CLAT pour 4 d’entre eux. Le dépistage des cas contacts n’a été effectué qu’autour de 7 patients et, de façon complète, qu’autour de 4 d’entre eux. « Pour 4 patients, aucun dépistage de l’entourage n’a été réalisé. L’existence d’un dépistage n’était pas liée à la connaissance de la multirésistance », précisent les auteurs. Parmi ces cas connus des CLAT et dont les contacts n’ont pas été dépistés, « 2 cas hospitalisés sous une fausse identité et ayant fugué avant l’instauration du traitement étaient perdus de vue », soulignent-ils ; dans un autre cas, c’est la famille qui n’a pas répondu aux sollicitations du CLAT ; le patient, finalement joint par le médecin du CLAT, aurait assuré que ses parents et sa fratrie avaient été dépistés par le médecin traitant, qui n’a pas confirmé. Enfin, dans le dernier cas, le CLAT a jugé le dépistage irréalisable, le patient ayant été hospitalisé dans un autre département. Parmi les cas inconnus du CLAT (4), le dépistage n’a été effectué que pour un seul patient et encore de manière incomplète.
Les auteurs, qui ont pu interroger les cas contacts, affirment avoir constaté 2 cas groupés de 3 cas transmis par 2 cas index méconnus des CLAT. Le premier chez une patiente qui a présenté une TBMR après un an d’inobservance de son traitement anituberculeux, deux mois après l’accouchement d’une petite fille. « Celle-ci, ainsi que leur logeuse, sont restées inconnues de la PMI et du CLAT et ont développé secondairement une TBMR, pour laquelle elles ont été chacune hospitalisée dans un hôpital de notre étude. Aucune trace de dépistage n’est retrouvée autour de la logeuse », relèvent-ils. Le deuxième cas index vivait en partie en Seine-Saint-Denis et en partie en Essonne avec sa compagne, la fille de 8 mois et la sœur de celle-ci. Ces dernières sont restées non dépistées du fait de l’absence de transmission d’informations entre les Clat des deux départements.
Instabilité et précarité.
La liste des dysfonctionnements est longue : peu de communication entre les CLAT de départements différents mais aussi entre les CLAT d’un même département et entre le CLAT et les autres acteurs potentiels du dépistage (médecin traitant, hôpital, sanatorium) ; pas de système prévoyant la réalisation d’un nouveau signalement et d’une nouvelle notification en cas de persistance de cultures positives pendant plusieurs mois consécutifs, ou lors du diagnostic d’une multirésistance secondaire. Les auteurs citent d’ailleurs l’exemple d’un patient hospitalisé pendant deux années consécutives dans 12 services hospitaliers différents, dont 3 services de réanimation, pour la prise en charge d’une TBMR secondaire. « Il est resté bacillifère pendant un an et demi. Aucune trace de dépistage de ces services hospitaliers ou de l’hôtel dans lequel il vivait n’a été retrouvée », déplorent-ils.
Les modalités de dépistage analysées dans cette étude couvrent la période 2000-2005, soit juste avant les dernières recommandations (2006) de dépistage autour d’un cas de tuberculose. Mais, affirment le Dr S. Greffe et col., les recommandations antérieures ont « toujours insisté sur l’importance d’un tel dépistage autour d’un cas de tuberculose respiratoire sensible ou résistante malgré les variations dans les modalités de mise en œuvre ». Selon eux, les carences observées sont toujours d’actualité. Compte tenu de la gravité des TBMR, et des difficultés dues aux conditions de vie instables et précaires des patients concernés, une réflexion semble nécessaire « pour améliorer voire augmenter les moyens mis en œuvre et les stratégies de dépistage dans un département très touché par la tuberculose ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes