Entretien avec le directeur de la nouvelle agence du médicament

Pr Maraninchi : « Nous rentrons dans un processus de surveillance globale renforcée »

Publié le 16/05/2012
Article réservé aux abonnés
1337130753348897_IMG_83807_HR.jpg

1337130753348897_IMG_83807_HR.jpg
Crédit photo : DR

Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ex AFSSAPS), confirmé dans ses fonctions par décret, se réjouit des nouvelles missions élargies de l’agence, désormais en charge du suivi du médicament tout au long de sa vie. Le Pr Dominique Maraninchi se félicite que les industriels ne siègent plus au conseil d’administration où se retrouvent en revanche députés, sénateurs et usagers. Courant juillet, il soumettra la création de quatre commissions qui porteront sur l’autorisation des produits de santé, leur réévaluation, les stupéfiants et psychotropes et les changements de composition de l’ensemble des produits.

LE QUOTIDIEN - Vous étiez directeur général de l’AFSSAPS, vous prenez la tête de l’ANSM. Qu’est-ce que cela change pour vous et pour l’agence ?

PR DOMINIQUE MARANINCHI - La loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament donne à l’agence de nouvelles missions, de nouvelles orientations et de nouveaux moyens d’action. Nous avons un objectif constant, celui de conjuguer l’accès à l’innovation équitable avec une surveillance poussée et continue des produits.

Par exemple, nous allons ouvrir des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) de cohorte, ce qui est un événement majeur. Les ATU existaient depuis longtemps, mais elles étaient majoritairement individuelles. Cela se fera désormais en grandes cohortes, évidemment contrôlées, évaluées et temporaires.

De plus, l’AFSSAPS était plus tournée sur l’enregistrement des produits que sur l’adaptation de l’autorisation de mise sur le marché. Or, on s’aperçoit que dans la vraie vie du médicament, il peut être important de corriger cette AMM avec de nouvelles indications, et d’autres qu’il faut supprimer. L’AMM est aujourd’hui systématiquement ajustée en fonction des observations. La création d’un GIP entre la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), la Haute autorité de santé (HAS), l’Institut national de veille sanitaire (INVS), le ministère de la Santé et notre agence va nous permettre de mener des études supplémentaires sur les risques, renforçant les décisions prises dans l’intérêt des patients. Nous attendons la parution d’un décret sur ce sujet. Nous pourrons ainsi imposer aux industriels la réalisation d’études sur la sécurité de leurs produits, ce qui sera mieux que d’ergoter sur des études contradictoires faites avant la mise sur le marché.

Entre expertise interne et externe, qu’allez-vous privilégier ?

Nous disposons désormais de plus de moyens pour faire de l’expertise interne, même si nous allons continuer à faire de l’expertise externe. Nous devrons aussi renforcer la diffusion d’une information indépendante, spécifique et autonome auprès des médecins. Les médecins ne peuvent pas être informés que par l’industrie. Depuis l’affaire PIP, personne ne doute qu’une information loyale sur l’ensemble des produits de santé et dispositifs médicaux soit importante. Il faut donc renforcer la vigilance avec la participation des professionnels de santé eux-mêmes. Nous rentrons dans un processus de surveillance globale renforcée.

Quelle évolution attendre pour le pilotage de l’agence ?

Notre mode de gouvernance va changer. Avant, les industriels faisaient partie du conseil d’administration. C’est fini. Des représentants d’associations de patients mais aussi de l’Assemblée nationale et du Sénat siégeront dans ce conseil d’administration. C’est une gouvernance moderne qui se fait sous le contrôle du Parlement en dehors de l’intervention des firmes pharmaceutiques.

Nous proposerons au conseil d’administration la création de nouvelles commissions. Une portera sur le bénéfice/risque de l’autorisation des produits de santé lors de leur première utilisation (recommandation temporaire d’utilisation, ATU de cohorte, conditions de prescription et de délivrance, etc...), et une seconde sur la réévaluation de ce bénéfice/risque, avec des usagers, des médecins traitants, des pharmaciens et des experts. Ce seront des commissions publiques. Nous proposerons également une commission sur les stupéfiants et psychotropes, et une autre qui analysera le bénéfice/risque de l’ensemble des produits qui changent de composition, pour prévenir tout risque. Avoir plus ou moins de glucose ou plus moins de zinc peut avoir des conséquences en termes de santé ou de sécurité.

Quel sera votre calendrier de travail ?

Nous espérons que le premier conseil d’administration se tiendra en juillet 2012 au plus tard. Mais d’ici là, l’Agence fonctionne. Un autre CA se réunira en septembre qui prendra plus de décisions sur notre organisation. Enfin, en décembre, nous présenterons notre plan d’action et notre budget prévisionnel pour 2013 qui sera l’année de plein déploiement.

Disposez-vous des moyens financiers et humains de cette ambition ?

Notre budget passe de 125 à 165 millions d’euros par an, ce qui constitue un effort considérable de l’État dans la conjoncture du pays. Nous avons déjà embauché 25 personnes, avec des possibilités supérieures en 2013.

Comment se déroule l’application du décret sur les liens d’intérêt ?

Pour nous, ce décret est immédiatement applicable et ne pose aucun problème de mise en œuvre. Il précise des nouveautés primordiales. L’obligation de transparence est étendue aux personnels cadres, et pas seulement aux experts, et les déclarations sont rendues publiques. Nous avons créé un comité de déontologie qui m’est directement rattaché. Je vais veiller aussi à ce que l’on rende publics les CV et publications des experts. De cette manière, la connaissance des personnes sera la plus transparente, loyale et complète possible.

 PROPOS RECUEILLIS PAR HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9127