NICOLAS Sarkozy, la semaine dernière sur TF1, a promis « toute la vérité » aux Français sur l’affaire Mediator. « Tous les médicaments sur le marché doivent être bons et utiles », a-t-il précisé, confirmant que la politique du médicament serait revue « de fond en comble ». Jeudi, Xavier Bertrand et Nora Berra vont installer les assises du médicament avenue de Ségur. Programmées jusqu’à la fin du mois de mai, ces assises visent à refondre le système de sécurité sanitaire des produits de santé. Six groupes de travail seront mis sur pied, dont un sur les prescriptions hors AMM. En attendant leurs conclusions, et celles de l’IGAS, chargée de rendre à la mi-juin un deuxième rapport visant à redéfinir la pharmacovigilance en France, l’affaire rebondit, et place les médecins au cœur du débat. Leur rôle, leur information et leurs prescriptions ont été largement évoqués lors des dernières auditions menées par la mission d’information parlementaire, jeudi dernier. Les députés ont entendu les anciens responsables de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), notamment le Pr Jean-Michel Alexandre, ancien directeur de l’évaluation, Jean Marimbert, ancien directeur général, et Fabienne Bartoli, son adjointe. Extraits.
• Les prescriptions hors AMM
Sans doute n’ont-ils pas été nombreux à le faire, mais certains médecins ont largement prescrit le Mediator comme coupe-faim, une indication qui ne figurait pas sur la notice. Ces prescriptions hors AMM (lire aussi ci-dessous), Jean Marimbert les estime à 20 % ou 30 % avant 1997. Et à 70 % juste après le retrait de l’indication diabète en avril 1997 (cette indication a été rétablie par l’AFSSAPS en août 1997). L’ancien patron de l’AFSSAPS s’est gardé de porter un quelconque jugement sur les médecins concernés, mais il a eu cette phrase laconique : « Oui, il y a un problème de régulation du hors AMM. » Puis il a rappelé les efforts de labellisation déployés pour encadrer les prescriptions hors AMM des nouveaux médicaments. Les produits sur le marché de longue date échappent à ce nouveau cadre.
• Le Dr Frachon et le rôle des médecins en général
« Je pense que si Madame Frachon n’était pas intervenue, le médicament serait encore sur le marché » : avec cette phrase, le Pr Alexandre a jeté un pavé dans la mare. « Pas d’accord », le Pr Marimbert, évoque « un faisceau » d’alertes qui l’aurait conduit, avec ou sans livre, à retirer le Mediator du marché en 2009. Au cours de son audition, Jean Marimbert se contredit pourtant. Répondant à une question du député Jean-Pierre Door sur la lenteur de réaction des tutelles, il déclare ainsi : « Avant 2009 et les signalements du Dr Frachon, si je mets à part l’article de "Prescrire" en 2005 (...), je n’ai pas eu foule d’alertes. » De quelles alertes parle alors l’ancien patron de l’AFSSAPS ? De courriers en provenance de médecins de terrain. Pour d’autres médicaments, il dit recevoir « beaucoup de lettres ». Sur le Mediator, les praticiens ne lui ont rien signalé. « Bien sûr qu’il y a la pharmacovigilance, mais tout le monde sait ses limites », expose Jean Marimbert, pour qui la chaîne officielle devrait être « complétée par des initiatives de personnes qui montent des dossiers ». Interrogé sur l’accueil glacial que l’AFSSAPS a réservé à Irène Frachon, Jean Marimbert a dit ne l’avoir jamais vue avant ces derniers mois. Tout médecin donneur d’alerte « doit être considéré comme un pair à part égale », a-t-il complété.
• L’information des médecins, problème capital
Le député Gérard Bapt s’étonne en séance. Comment se fait-il que deux de ses amis, chefs de service de chirurgie cardiaque en CHU, ne connaissaient pas l’existence de valvulopathies sous Mediator l’été dernier ? L’information aux médecins est « un problème », résume-t-il. Fabienne Bartoli, sommée d’expliquer pourquoi les médecins ont appris le retrait du Mediator par leurs patients, explique qu’il n’existe pas de fichier à jour, et valide, des médecins exerçant en France. Ni le Conseil de l’ordre, ni la CNAM ne disposent d’un tel fichier, ajoute-t-elle (ce que conteste le CNOM), d’où l’envoi par l’AFSSAPS d’un communiqué de presse. Pour ajouter à la confusion, le Pr Alexandre estime que « toutes les autorisations accordées avant 1978 manquent de crédibilité ». Les Prs Marimbert et Alexandre parlent tour à tour d’« occasions manquées ». « Les bonnes questions ont été posées mais nous ne sommes pas allés jusqu’au bout », glisse Jean Marimbert. Au final, les médecins prescripteurs n’ont eu vent de la toxicité du Mediator qu’en 2009. Vingt-trois ans après sa mise sur le marché.
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