À EN CROIRE le journal « Métro » du 11 février, les laboratoires Servier comptent se défendre en reprochant aux médecins d’avoir prescrit le Mediator hors AMM. Contacté par « le Quotidien », l’un des avocats de Jacques Servier dément catégoriquement. « Il n’y a pas du tout de stratégie qui consiste à mettre en cause les médecins, assure Me Hervé Témime. La ligne de défense des laboratoires Servier consiste à tout étaler au grand jour pour que la vérité soit établie. À aucun moment, il n’y a eu tromperie. Par ailleurs, toutes les informations recueillies par le laboratoire ont été transmises en temps réel aux autorités, qui n’ont pas été roulées dans la farine comme on a pu le lire dans le rapport de l’IGAS. »
Sur le qui-vive, les médecins s’attendaient à devoir tôt ou tard se justifier. Le Dr Claude Leicher, président de MG-France, prévient : « Les médecins généralistes ne seront pas les boucs émissaires dans cette affaire où le défaussement est collectif. » S’il précise que les endocrinologues ont prescrit cinq fois plus de Mediator que les généralistes, il admet que certains généralistes prennent en charge « de façon non adéquate » les patients en surcharge pondérale. « Vouloir faire maigrir quelqu’un de 30 kg en six mois, ce n’est pas raisonnable », dit-il. Dès lors, la question est posée : quelle est la responsabilité de ceux qui ont prescrit le Mediator comme coupe-faim ?
Aucun texte n’interdit les prescriptions hors AMM en France. Le porte-parole du Conseil national de l’Ordre des médecins apporte la précision suivante : « Le médecin qui prescrit hors AMM engage lourdement sa responsabilité. En cas de sinistre, il y a deux possibilités, détaille le Dr André Desœur. Soit il existe un consensus professionnel prouvant que la prescription hors AMM est bénéfique dans telle situation, et le médecin peut produire les conclusions des sociétés savantes pour sa défense. Soit la prescription est déviante, hors des clous. Le médecin, s’il est épinglé, est alors sanctionnable au niveau ordinal, civil et pénal, car il peut y avoir mise en danger de la vie d’autrui, ou perte de chance. » Pour le Dr Desœur, les médecins ayant prescrit le Mediator comme coupe-faim entrent dans la seconde catégorie, car « aucune société n’a dit qu’il y avait lieu de traiter la surcharge pondérale par benfluorex ». Voilà qui ouvre la voie à bien des procès, et qui risque de tendre les relations médecins patients. Déjà, des cas sont rapportés de patients qui se heurtent au refus de se voir délivrer une attestation médicale prouvant qu’ils ont pris du Mediator. Le porte-parole du CNOM rappelle à ce sujet que « la tenue du dossier patient est obligatoire depuis 1995, mais que la charge de la preuve incombe au demandeur ». Trois possibilités : le patient retrouve une ordonnance. Il obtient de sa pharmacie la preuve qu’elle lui a délivré du Mediator, ou de l’assurance-maladie qu’elle lui a remboursé ce produit.
Pour Gilles Johanet, ancien directeur de la CNAM, le débat qui s’ouvre est dangereux. « Jamais on ne se serait aperçu que la ciclosporine est le meilleur médicament contre le rejet des greffes s’il n’y avait pas de prescription hors AMM. Le Viagra est un autre exemple : à l’origine, c’était un médicament pour la pousse des cheveux. Restreindre les prescriptions hors AMM serait une erreur, il faut que le système respire. Mais c’est vrai qu’il y a un problème de cohérence : la HAS elle-même fait des recommandations hors AMM. La responsabilité individuelle du médecin prescripteur doit s’appuyer sur un cadre général collectif qui est aujourd’hui insuffisant. C’est trop simple que de rejeter la faute sur le médecin. »
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