DIX ANS après la publication de son précédent avis sur le sang de cordon et sa conservation, le CCNE, présidé par le Pr Alain Grimfeld, a voulu « remettre en cours la réflexion éthique » à partir de « l’état de l’art » en 2012. Premier constat : le CCNE estime aujourd’hui que son avis n° 74 de 2002 n’appelle pas de changement en ce qui concerne la question du développement des biobanques privées destinées à un usage autologue de substitution de moelle osseuse hématopoïétique par des unités de sang du cordon ombilical (UCB). Saisi à l’époque par la Direction générale de la santé, le CCNE donne aujourd’hui la même réponse négative car « il n’y a aucune publication d’aucun usage pour les situations autologues », confirme le Dr Bertrand Weil, néphrologue et rapporteur de l’avis n° 117 avec le généticien Patrick Gaudray. En revanche, il y a « un intérêt majeur » à promouvoir le recueil du sang de cordon pour leur utilisation en allogreffe car le nombre d’unités d’UCB est insuffisant par rapport aux besoins croissants des services d’oncohématologie pratiquant les greffes de cellules souches hématopoïétiques pour pallier les aplasies médullaires induites par le traitement des leucémies. Pour les membres du CCNE, le recours à ces unités est par ailleurs préférable à la solution des donneurs de moelle volontaires sains car le prélèvement et la ponction (sous anesthésie générale) « échappe au principe de non-nuisance », souligne Bertrand Weil. Le réseau mondial de donneurs volontaires sains est d’environ 18 millions alors que l’inventaire des unités d’UCB pour l’allogreffe est de 600 000 : « les possibilités de choix, pour un même receveur, d’unités d’UCB HLA identiques sont donc bien moindres », relève le CCNE.
Des visées autologues.
Toutefois, (et c’est le second constat), de nouvelles indications de greffe de cellules souches hématopoïtéiques pour traiter des hémoglobinopathies congénitales comme la thalassémie ou la dépranocytose conduisent le CCNE à atténuer « l’affirmation d’inutilité totale et définitive des biobanques à visées autologue ». Parallèlement, les potentialités (en matière de recherche jusqu’à présent) des cellules souches mésenchymateuses, issues du cordon et du placenta, sont aujourd’hui « attestées par de nombreux travaux scientifiques » en médecine régénératrice : « en 2011, on comptait 108 essais cliniques dans le monde. En 2012, on en répertorie 219, soit le double », s’exclame Patrick Gaudray. Le CCNE n’est pas seulement une « caisse enregistreuse d’éthique. Nous devons également envisager l’avenir », ajoute-t-il. Ainsi, face à ces enjeux, le CCNE prône le développement de « biobanques à caractère familial et solidaire, en promouvant le recueil des produits cellulaires, issus du sang de cordon, du cordon lui-même et du placenta, dans les familles dont les enfants sont exposées au risque d’hémopathies congénitales génétiquement transmises ». Cette possibilité permettrait de fait d’éviter, autant que faire se peut, le recours à la pratique du bébé-médicament.
De manière générale, le CCNE estime que toutes les biobanques de produits du cordon et du placenta, « quelles que soient leur destination et leur organisation », doivent répondre aux critères de qualité et de volume imposés par les normes consensuelles internationales pour en faire potentiellement des greffons allogéniques. « La distinction public-privé est sans intérêt », précise le Dr Weil. Certes, l’Agence de la biomédecine a permis, en trois ans, de passer de 16 à 60 maternités accréditées (pour le prélèvement) et de trois à dix banques. « Mais ce n’est pas suffisant », poursuit-il. Face à l’Allemagne, qui compte 100 000 unités (via des banques de fondations privées), la France fait pâle figure avec 16 500 unités stockées. Mobiliser les maternités pour le développement des biobanques demande également un financement. Car le recueil des produits du cordon et du placenta ne doit pas se faire au détriment de la santé de la femme qui accouche ni de celle du bébé qui vient de naître : ce n’est « pas éthiquement faisable de le faire à moyen constant », explique le Dr Weil. Le néphrologue rappelle qu’en l’état actuel de la réglementation, la rémunération forfaitaire des établissements est de 90 euros par prélèvement alors que la réalité des coûts s’élève plutôt autour de 200 euros.
L’avis est consultable sur http://www.ccne-ethique.fr.
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