Cybersexualité

Une utilisation problématique

Publié le 15/12/2016
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Avec le développement d’Internet, un nombre grandissant de sites proposant diverses activités sexuelles a été créé. Citons, entre autres : les images et vidéos pornographiques, les chats sexuels, les webcams sexuelles, ou la recherche de partenaires pour avoir des relations sexuelles hors-ligne. Plus de 70 % des personnes interrogées rapportent avoir déjà utilisé Internet à des fins sexuelles (1). Cette utilisation majeure de cybersexe serait en partie due à la facilité d’accès au matériel sexuel, au faible coût des activités cybersexuelles, à la possibilité de conserver son anonymat, et à la grande variété des contenus proposés sur la toile.

Absence de consensus

L’utilisation problématique de cybersexualité est le plus souvent considérée comme une addiction comportementale (non liée à une substance), au même titre que l’addiction aux jeux d’argent. Des similitudes existent en effet entre les symptômes de l’utilisation problématique de cybersexe et d’autres addictions. Néanmoins, aucun consensus n’existe sur la classification du trouble, les critères diagnostiques, ou les outils à utiliser pour l’évaluer. Plusieurs termes sont d’ailleurs employés pour parler de cette problématique, tels qu’addiction cybersexuelle, hypersexualité, ou comportement cybersexuel compulsif. Face à cette absence de consensus, le trouble n’a pas été retenu dans la dernière version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (2).

L’utilisation problématique de cybersexe est généralement définie comme une implication excessive et incontrôlée dans des activités sexuelles en ligne associée à : un désir persistant ou des efforts infructueux pour contrôler le comportement sexuel ; des préoccupations importantes pour la cybersexualité ; l’utilisation du cybersexe pour réguler des émotions aversives ; la présence de changements d’humeur lorsque le cybersexe n’est plus disponible ; la présence d’un phénomène de tolérance (besoin de passer plus d’heures en ligne et/ou d’avoir recourt à de nouveaux contenus sexuels) et la présence de conséquences négatives pour soi et/ou ses proches (3).

Trois types de critères diagnostiques

Dans la littérature, on peut mettre en avant trois types de critères diagnostiques proposés jusqu’à présent (voir tableau). À savoir ceux de Carnes (4) pour la sexualité compulsive, ceux de Goodman (5) pour l’addiction sexuelle, et ceux de Kafka (6) pour l’hypersexualité. Malgré des similitudes évidentes entre les trois propositions, aucune directive claire et valide n’existe pour aider les cliniciens et les chercheurs à évaluer la présence du trouble. Face à cette absence de consensus, il demeure essentiel de conduire des recherches pour permettre une exploration plus systématique du trouble afin de faciliter son évaluation et sa prise en charge.

Psychologue, université catholique de Louvain, Belgique

(1) Albright JM. Sex in America online: An exploration of sex, marital status, and sexual identity in Internet sex seeking and its impacts. The Journal of Sex Research 2008;45: 175-86

(2) American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). Washington, DC: Author, 2013

(3) Wéry A, Billieux J. Problematic cybersex: Conceptualization, assessment, and treatment. Addictive Behaviors 2016, In press

(4) Carnes P. Don’t call it Love: Recovery from sexual addiction. New York, NY: Bantam Books 1991

(5) Goodman A. Sexual addiction: The new frontier. The Counselor 1998;16:17-26

(6) Kafka MP. The development and evolution of the criteria for a newly proposed diagnosis for DSM-5: Hypersexual disorder. Sexual Addiction & Compulsivity 2013(20), 19-26

Aline Wéry

Source : Bilan Spécialiste