La télésurveillance (TLS) est un des 5 actes reconnus par décret en France comme relevant de la télémédecine (décret du 19 octobre 2010). Elle permet à un professionnel de santé d'interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d'un patient. L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé. En pratique, cela correspond au suivi de données à distances permettant d'agir directement sur la prise en charge du patient. Il y a donc un lien entre TLS et prise en charge médicale, impliquant une responsabilité médicale au même titre qu'une prise en charge physique habituelle. La TLS n'est donc pas de la « sous médecine » mais un acte médical à part entière engageant le médecin qui doit prévenir son assureur avant d'inclure son premier patient.
À cette dimension médicale s'associe la sécurisation des échanges électroniques qui passe par la conformité au référentiel de l'agence française de la santé numérique (ASIP santé) et le consentement éclairé du patient pour l'utilisation de la télémédecine.
Une expérimentation à grande échelle…
L'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2014, a permis d'installer une expérimentation à grande échelle de la téléconsultation, télé-expertise et de la télésurveillance dans 9 régions pilotes. Pour la télésurveillance, quatre pathologies clefs étaient alors ciblées (insuffisance cardiaque, diabète, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire) et les modalités définies par cahier des charges. Le but de ces expérimentations était de fixer une tarification préfiguratrice des actes de télémédecine permettant aux professionnels de santé de développer des projets cohérents et pertinents, en réponse aux besoins de santé et à l'offre de soins régionale. Leur objectif était :
• cibler des patients à risque d'hospitalisations récurrentes ou de complications ;
• parvenir à un état de stabilité de la maladie, voire d'amélioration ;
• améliorer la qualité des soins et leur efficience ;
• offrir une meilleure qualité de vie aux patients.
Elles prennent en compte les rôles distincts, d'une part, du médecin traitant et, d'autre part, du médecin expert requis pour faciliter l'accès du patient à une expertise de haut niveau tout en restant dans le parcours de soins, préconisé par la Haute Autorité de santé.
En 2016, ces expérimentations plus connues sous le nom d'ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l'Amélioration du Parcours En Santé) ont été élargies et concernent l'ensemble du territoire national.
Ces cahiers des charges ciblent les populations à risque modéré ou élevé, susceptibles de bénéficier le plus de la TLS.
… appliquée à l'insuffisance cardiaque
Pour l'insuffisance cardiaque plus spécifiquement, le cahier des charges associe télésurveillance par un cardiologue au moyen d'une solution technique certifiée (marquage CE et inscription sur le site du ministère de la Santé) fournie par un industriel, à un accompagnement thérapeutique du patient par un professionnel de santé formé afin de favoriser son adhésion et de le rendre pleinement acteur de sa prise en charge.
Un patient avec une insuffisance cardiaque chronique et une ALD, peut être inclus dans le programme ETAPES TLS par son médecin traitant, son gériatre ou son cardiologue s'il présente les critères d'inclusion suivants : « hospitalisation au cours des 30 derniers jours pour une poussée d'insuffisance cardiaque » ou « dans les 12 derniers mois avec persistance d'une symptomatologie (NYHA 2 ou plus) et d'un taux de BNP > 100 pg/ml ou de NT-proBNP > 1 000 pg/ml ». Par ailleurs le patient ne doit pas présenter un des critères d'exclusion qui pourraient limiter sa capacité d'adhérer au programme (pas de domicile fixe, refus du patient, compliance faible, espérance de vie très courte).
Seul un cardiologue, un médecin titulaire du DIU d'insuffisance cardiaque ou un(e) infirmier(e) peut effectuer la télésurveillance du patient (connexion aux données et gestion des alertes).
Le médecin effectuant la télésurveillance a le choix de la solution industrielle à condition qu'elle corresponde aux prérequis. Celle-ci doit comprendre une solution de surveillance du poids de façon quotidienne au domicile du patient et un algorithme de gestion des alertes associé ou non à une IDE.
L'accompagnement thérapeutique peut être effectué par un professionnel de santé médical formé à l'éducation thérapeutique (40 heures ou DPC ou DU) et, s'il n'est pas médecin, à la pathologie (DU ou DPC). Ce dispositif complémentaire à l'éducation thérapeutique usuelle peut se faire à distance.
Organisation et tarifs codifiés
Au préalable, le médecin doit prévenir l'ARS qu'il effectuera des actes de TLM. S'il a un exercice salarié, le document pour l'ARS doit être rempli par le directeur de l'établissement. La facturation se fait selon l'illustration jointe de façon semestrielle pour les professionnels de santé en utilisant des feuilles de soins ou papier. L'ensemble des éléments déclaratifs à remplir sont sur le site (1).
Les tarifs évalués dans le cadre d'ETAPES sont de 110 euros par semestre pour le médecin effectuant la TLS, 60 euros par semestre pour la personne effectuant l'accompagnement thérapeutique et 300 euros pour le fournisseur de la solution technique. Puis l'année N+1, s'y ajoute une prime en fonction de l'efficacité mesurée de la TLS sur l'ensemble du territoire, répartie entre les trois acteurs.
Une évaluation des expérimentations de télésurveillance, prévue par la loi, sera réalisée d'ici à 2021 et validée par la HAS. Elle se fera de façon centralisée, notamment à partir du Système national d'information interrégimes de l'assurance maladie (SNIIRAM), ce qui ne nécessite donc aucune démarche proactive de la part du professionnel.
Ainsi, la France est actuellement un des leaders mondiaux dans la mise à disposition de la TLS dans l'insuffisance cardiaque avec des démarches simplifiées et un tarif clairement identifié. A nous maintenant de transformer l'essai et d'inventer la TLS intégrée aux chemins cliniques de demain.
(1) http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-spe….
*Unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque, CH René-Dubos (Pontoise)
** Conseiller médical télémédecine DGOS
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