De nombreuses innovations thérapeutiques, dont des biothérapies, s’annoncent en pneumologie et, après le cancer du poumon, les traitements personnalisés s’adressent à l’asthme, la BPCO ou la mucoviscidose. Car plus les possibilités thérapeutiques s’élargissent, avec le recours à des traitements plus lourds et plus coûteux, plus il se révèle indispensable d’identifier les patients susceptibles d’en bénéficier.
> Asthme : biothérapies et thermoplastie pour les formes sévères
Si le traitement habituel équilibre 90 % des asthmes, la nécessité d’alternatives se fait sentir pour les 10 % restants. Pour ces asthmatiques sévères, les biothérapies pourraient apporter des solutions, mais à condition de disposer de marqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique.
On dispose déjà depuis dix ans d’un anticorps anti-IgE, l’omalizumab, qui a une AMM pour l’asthme allergique modéré à sévère incontrôlé avec un taux élevé d’IgE. Dans cette indication, l’efficacité est proche de 70 %. On estime maintenant que le champ de l’omalizumab pourrait dépasser l’allergie, comme le suggère l’étude française NATAIR. Menée dans l’asthme non allergique, cet essai retrouve des bénéfices en termes de VEMS et d’exacerbations sans apporter cependant la preuve formelle de l’efficacité de l’omalizumab en l’absence d’allergie.
D’autres biothérapies qui ciblent la réaction inflammatoire responsable de l’asthme (dont la réaction allergique ne serait qu’une forme particulière) sont en développement et devraient arriver très prochainement sur le marché. Certaines interleukines, qui contribuent à la formation des IgE et des éosinophiles, sont au centre des recherches. L’actualité est particulièrement riche, avec des Ac anti-IL5, anti-IL4/13 ou anti-IL13 en phase 2 ou 3.
Les essais menés avec les Ac dirigés contre l’IL5, comme le mepolizumab sont plutôt négatifs dans la population globale des asthmes sévères, mais retrouvent un effet bénéfique sur la qualité de vie, les exacerbations et le recours aux corticostéroïdes oraux lorsque l’éosinophilie bronchique est élevée. « Il ne faut pas seulement s’intéresser au taux d’éosinophiles, insiste le Pr Antoine Magnan (Nantes), mais à sa corrélation avec la symptomatologie, certains asthmatiques ayant de nombreux éosinophiles sans symptômes et, inversement, d’autres faisant des manifestations majeures sans éosinophiles ».
Les anti-IL 13 comme le lebrikizumab ouvrent une voie intéressante, dans la mesure où il existe un biomarqueur prédictif de la réponse thérapeutique. Ils n’augmentent significativement le VEMS que lorsque la périostine (protéine liée à l’inflammation Th2, induite par les IL13 et 14, stimulant la production de cytokines pro-inflammatoires) est élevée dans les sécrétions bronchiques. Son évaluation permettrait de « clustériser » les asthmatiques selon qu’ils sont Th2 haute ou basse, et de prédire ainsi la réponse thérapeutique aux biothérapies ciblant le schéma classique Th2. On distinguerait ainsi les phénotypes Th2, sur lesquels seraient actifs les anti-IgE et les anti-IL13, et les non-Th2, asthmes les plus sévères associés à l’obésité et au stress, avec une inflammation plutôt à neutrophiles ou pauci-granulocytaire, et chez qui pourraient agir les futurs anti-IL17 (secukinumab) et peut-être la thermoplastie.
Pour les asthmes sévères qui ne répondent pas au schéma Th2, la thermoplastie pourrait, en effet, se révéler prometteuse. Cette technique repose sur la délivrance d’une énergie thermique à la paroi bronchique par un générateur de fréquence via un cathéter au cours d’une procédure endoscopique afin de diminuer la masse musculaire de la paroi bronchique et d’en améliorer la contractilité. Elle pourrait aussi agir aussi sur l’inflammation bronchique. Les données récentes de l’étude française Asthmatherm montrent une réduction importante de la masse musculaire bronchique qui passe de 20 à 7 % en moyenne avec, cliniquement, une amélioration significative de la qualité de vie, des exacerbations sévères, des hospitalisations, malgré l’absence d’impact sur la fonction respiratoire.
Les complications surviennent essentiellement en péri-opératoire (plus d’asthme, d’infections respiratoires, quelques atélectasies, une hémoptysie). « Cependant cette technique lourde et chère ne s’adresse qu’aux asthmes réfractaires chez qui la surface du muscle lisse est importante avec des troubles ventilatoires fixés » prévient le Dr Marie-Christine Dombret (hôpital Bichat, Paris). Elle figure maintenant dans les recommandations du GINA et la HAS vient de donner un avis favorable au remboursement.
> Mucoviscidose : après la thérapie génique, la thérapie « protéique »
Les traitements symptomatiques de la mucoviscidose (MVD) et le recours à la ventilation non invasive ont permis de passer d’une espérance de vie de 7 ans en 1965 à 45 ans actuellement. Les progrès réalisés dans la thérapie génique et surtout la thérapie « protéique» font espérer d’autres améliorations.
« La mucoviscidose est due à des mutations du gène CFTR, identifié en 1989, rappelle le Dr Harriet Corvol (hôpital Armand-Trousseau, Paris). Dès lors, une première voie de recherche a consisté à faire des essais de thérapie génique. Malheureusement, ils n’ont pas permis d’avancées extraordinaires à ce jour. Le dernier essai en date, encore très préliminaire, ne montre qu’une amélioration modeste de la fonction respiratoire ».
Une seconde voie de recherche a eu plus de succès. Elle consiste à traiter, non plus le gène muté, mais la protéine malade. Malheureusement, il n’existe pas une seule mutation responsable de la maladie, mais plus de 2000 identifiées à ce jour, et chacune peut donner une anomalie différente de la protéine CFTR.
Les mutations responsables des formes les plus graves de mucoviscidose appartiennent à trois catégories. Celles de « classe 1 » aboutissent à un arrêt prématuré de la fabrication de la protéine CFTR. Dans les mutations de « classe 2 », la protéine est fabriquée, mais mal repliée. Elle se dégrade dans la cellule, sans parvenir jusqu’à la membrane de la cellule. Les mutations de « classe 3 » entraînent la fabrication d’une protéine CFTR présente sur la membrane cellulaire, mais qui ne fonctionne pas. « Un laboratoire américain est parvenu a développé un premier médicament, l’ivacaftor, capable de la rendre fonctionnelle, précise le Dr Harriet Corvol.
Sur le plan clinique, « certains patients s’améliorent de façon extraordinaire » avec une diminution significative des exacerbations, une amélioration du statut nutritionnel et de la qualité de vie. Ce médicament peut être prescrit depuis 2012, chez les patients porteurs de la mutation de « classe 3 » la plus fréquente, mais aussi pour d’autres mutations de cette classe. « Néanmoins, cela ne concerne que peu de patients, environ 2 500 dans le monde et son coût reste très élevé. »
Un autre médicament, ciblé cette fois sur la mutation de classe 2 la plus fréquente, est aussi en développement. Il associe deux principes actifs : le lumacaptor et l’ivacaftor. Le premier évite que la protéine CFTR ne se dégrade dans la cellule, permettant qu’elle soit amenée jusqu’à la membrane où l’ivacaftor peut l’activer. « Cette association déjà commercialisée aux états-Unis améliore la fonction respiratoire et diminue jusqu’à plus de 60 % les exacerbations respiratoires. En France, elle a l’ATU de cohorte depuis novembre 2015 », précise le Dr Corvol. Enfin, une troisième thérapie génique, l’ataluren est en développement pour les mutations de « classe 1 » avec, pour le moment, des bénéfices assez modérés sur la fonction respiratoire.
> BPCO : des spirales contre l’emphysème
Pour la BPCO, la meilleure compréhension des processus inflammatoires impliqués laissait espérer le développement d’un traitement susceptible de lutter contre l’inflammation chronique qui caractérise la maladie. Les cibles potentielles sont nombreuses, comme l’élastase ou les métalloprotéases libérées respectivement par les polynucléaires neutrophiles et les macrophages qui participent à l’aggravation des lésions d’emphysème et des anomalies structurales des bronchioles, les anti-TNF et les anti-cytokines impliqués dans l’inflammation, les kinases pro-inflammatoires, l'α1 antitrypsine, etc. « Nous n’avons cependant pas vraiment avancé, regrette le Pr Pierre-Régis Burgel (hôpital Cochin, Paris), les essais menés avec les biothérapies ayant montré une efficacité clinique limitée et/ou des effets indésirables importants. »
Le bilan semble plus encourageant pour les traitements endoscopiques interventionnels. Testée chez des patients BPCO sévères atteints d’emphysème, la technique de réduction volumique par spirales consiste à poser par voie endoscopique des sortes de petits ressorts à mémoire de forme qui viennent plisser le tissu pulmonaire permettant ainsi de réduire le volume pulmonaire excédentaire tout en redonnant une certaine élasticité au parenchyme pulmonaire. Les résultats à un an du premier essai clinique randomisé de phase III publié fin janvier dans le JAMA montrent que cette technique améliore significativement la qualité de vie par rapport au traitement médicamenteux seul avec un bénéfice modéré sur la capacité d’exercice. « Ces résultats devraient permettre prochainement la mise à disposition officielle de cette technologie en France », espère la société PneumRx qui commercialise cette technologie.
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