Quelles leçons peut-on tirer de cette crise ?
Cette crise sanitaire a bien montré que l'Europe s'était désindustrialisée. Et devenue un continent dépendant en matière d'approvisionnement en produits de santé. C'est vrai pour les produits matures avec l'Asie du Sud-Est mais aussi pour les médicaments innovants, un marché largement dominé par les États-Unis. D'où l'idée depuis longtemps rappelée par le Leem que les médicaments, les produits de santé sont une activité d'intérêt stratégique comme les communications, le transport. Pour autant il faudrait éviter l'erreur de réindustrialiser à l'aveugle. La mondialisation est une composante essentielle de l'activité du secteur. En matière de recherche comme de production les systèmes sont intriqués les uns les autres. Une fois ce constat établi, cela ne nous donne pas les clés du « comment fait-on ? ». Cette nouvelle politique en premier lieu s'inscrit dans le long terme. Et exige une volonté forte des pouvoirs publics en cohésion avec une approche européenne.
Que signifie cette demande de ne pas démondialiser ?
Aucun pays voire continent n'est capable d'afficher une autonomie complète sur la totalité de ses besoins et ses approvisionnements. Il faudrait plutôt diversifier ses fournisseurs. Comme le rappelait une experte du secteur, quel pays accepterait d'être totalement dépendant d'un seul fournisseur pour le pétrole ? Dans un premier temps, l'urgence serait d'abord d'arrêter le processus de délocalisation, puis à optimiser l'outil de production disponible. Si l'on souhaite rapatrier la production de principes actifs, il faut prendre en compte la série de problèmes auxquels nous serons rapidement confrontés, à commencer par l'acceptabilité de l'implantation d'usines chimiques par les populations concernées. Enfin, il faudra mettre en œuvre des mesures incitatives conventionnelles à travers l'accord-cadre en France ou la valorisation de sites européens dans les marchés publics. Enfin faut-il rappeler que nous avons en France la fiscalité la plus lourde ? La bonne nouvelle, c'est que rien n'est inéluctable. La France est passée de la première place à la quatrième place en quelques années. L'Italie a accompli le chemin inverse en grimpant de la sixième place à la seconde.
Comment comprendre toutefois l'impréparation des États et de l'industrie phama alors que l'épidémie du Sras en 2003 a constitué une première alerte ?
C’est plutôt l’inverse. Le Sras nous a donné le sentiment de fausse sécurité parce que l’épidémie a été contenue. Elle a généré le sentiment que notre système était en mesure de répondre à toutes les menaces futures. Aucun système n’aurait pu quoi qu’il en soit être prêt à affronter l’explosion de la demande mondiale pour les produits de réanimation. Par ailleurs la crise du Covid-19 pose toute une série de questions. Tout d’abord, sur le plan thérapeutique, la crise illustre la difficulté à repositionner rapidement des molécules existantes. Certaines aires thérapeutiques sont en jachère comme l'antibiorésistance. Mais cette situation ne peut être imputée à la responsabilité de la seule industrie pharma. Il n'y a pas à ce jour de modèle économique à la recherche en antibiorésistance. En cas de succès de la recherche, la première décision prise par les autorités de santé serait d'en interdire la commercialisation afin d'en réserver l'usage aux seuls cas d'antibiorésistance avérée. La réponse repose probablement sur un mécanisme de partage des risques, un instrument qui pour le moins n'appartient pas à la culture de l'administration française. En tout état de cause, on ne trouvera pas la solution en s'affrontant mais plutôt dans un véritable partenariat. Enfin, s'ouvre un champ de recherche considérable en virologie partagée entre la recherche académique et privée. D'autant que la problématique des zoonoses est pour longtemps devant nous.
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