L'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) va alléger les restrictions imposées en matière d'essais cliniques à l'Institut hospitalo-universitaire – Méditerranée Infection de Marseille (IHU-MI), autrefois dirigé par le Pr Didier Raoult, sans pour autant les lever intégralement. En cause : une application de la réglementation des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) au sein de l'IHU-MI pas totalement satisfaisante, encore.
« Les recherches impliquant la personne humaine pourront reprendre mais sous certaines conditions », déclare l'ANSM dans un communiqué, daté du 27 octobre. L'agence impose désormais à l'IHU et à l'Assistance-publique hôpitaux de Marseille (AP-HM), son autorité de tutelle, de transmettre un bilan trimestriel des projets d'essais cliniques (RIPH ou hors RIPH, dès lors qu'ils nécessitent l'accès au portail des données de santé), ainsi que des prescriptions de traitements hors autorisation de mise sur le marché (AMM).
Publication au printemps d'une étude litigieuse
Dans la foulée de la crise du Covid, lors de laquelle le Pr Didier Raoult a défendu l'intérêt de l'hydroxychloroquine au mépris de toute rigueur éthique et scientifique, l'ANSM a mené une enquête sur les pratiques de l'IHU. Ces investigations ont notamment conduit l'ANSM à restreindre fin 2022 les conditions des essais cliniques à l'institut, menant celui-ci à suspendre tous les essais en vigueur.
L'ANSM avait en outre demandé un bilan intégral des recherches en cours, et de celles ayant donné lieu à des publications depuis cinq ans. Elle avait exigé la mise en place en interne d'une formation à la réglementation des essais cliniques.
Dirigé depuis le 1er septembre 2022 par le Pr Pierre-Edouard Fournier, longtemps proche du Pr Raoult, l'IHU a mis en œuvre les actions demandées, selon l'ANSM, qui lève donc ces « injonctions » en vigueur.
Mais l'Agence n'est pas entièrement satisfaite : elle juge, dans un rapport transmis parallèlement à son communiqué, que l'IHU ne semble « pas pleinement avoir pris la mesure des cadres réglementaires existant en termes de prise en charge des patients ».
En cause, notamment, la mise en ligne sur la plateforme MedRxiv d’un article en prépublication au printemps sur les effets de l'hydroxychloroquine, cosignée par le Pr Didier Raoult. Le professeur a martelé qu'elle n'était qu'« observationnelle » et ne constituait donc pas un essai clinique. Mais pour l'ANSM, cette étude peut être qualifiée de RIPH de catégorie 1 et aurait donc dû bénéficier d'un avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP) et d'une autorisation de l'ANSM. C'est « le plus grand essai thérapeutique sauvage connu à ce jour » avaient aussi dénoncé seize sociétés savantes.
L'Agence, qui a saisi la justice au sujet de cette étude, maintient donc des restrictions et contraint l'IHU et l'AP-HM à lui transmettre des bilans trimestriels de leurs projets d'essais cliniques.
Dans un communiqué commun, l'AP-HM et la Fondation Méditerranée Infection, qui administre l'IHU, se sont félicitées de la reprise annoncée des essais, promettant « la plus grande vigilance sur le strict respect des règles, et des principes d'éthique et d'intégrité ».
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